Mission: Les limites de la foi
Mission de Roland Joffé est un film lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes en 1986, et qui est entré dans les mémoires, notamment grâce à la bande originale mythique d'Ennio Morricone. L'action se déroule au 18ème siècle en Amérique du Sud, dans une zone entre le Paraguay, l'Argentine et le Brésil, qui attire les convoitises des colons portugais et espagnols. Mais aussi celle de l'Eglise catholique et de ses prêtres jésuites évangélisateurs qui y voient de nouvelles terres à fertiliser avec le christianisme.
C'est ainsi que nous suivons les aventures du Père Gabriel (Jeremy Irons hyper charismatique en jésuite), qui donne de sa personne pour convertir les indiens guaranis (en escaladant une falaise notamment !). A l'aide de la musique, notamment de son hautbois, mais aussi de sa grande bonté. Ce personnage porte le message d'amour de Jésus dans tous ses actes, et représente l'idée que l'on peut se faire d'un vrai chrétien, même si la démarche d'une mission catholique si loin de Rome est hautement contestable.
En revanche, tous les autres personnages principaux, bien que chrétiens, s'éloignent de cette pureté. A commencer par Mendoza, (fantastique Robert De Niro), marchand d'esclaves cynique mais qui va devoir abandonner tous ses vices pour trouver la rédemption.
Mais ce qui écarte le plus les personnages du christianisme dans ce film, c'est le pouvoir et l'avidité. Comme le personnage du Cardinal Altamirano (excellent Ray McAnally tout en retenue et dissimulation), qui bien que ancien jésuite, et touché par le travail de conversion des prêtres des missions, poursuit des intérêt autres que spirituels.
Et le conflit entre la spiritualité et les considérations terre à terre ne cesse de grandir tout au long du film. Ainsi, l'hypocrisie de certains catholiques ne cesse de se montrer. Une fois qu'on a reconnu les guaranis comme étant des humains et des chrétiens comme les autres, il devient moins aisé d'en disposer comme du bétail. Mais cela ne devient pas impossible pour autant, mais il en coûte davantage spirituellement. Ainsi, quelle est donc la volonté de Dieu ? Aller convertir des personnes qui n'ont jamais entendu parler de Jésus puis s'en débarrasser comme des insectes pour convenance personnelle ?
Et quelle est la réponse la plus chrétienne face à tant d'injustice ? La violence ou le martyr sans se défendre ?
Le caractère inéluctable des choses rend l'impact émotionnel du film moins puissant que ce que l'on pourrait escompter. Cependant, la mise en scène est remarquable, dans des décors naturels, surtout celui des chutes qui figurent bien l'inéluctabilité du désastre, et la déliquescence des principes chrétiens les plus élémentaires. Ainsi, cette photographie, montrant une sorte de paradis sur Terre, un jardin d'Eden lumineux à peine profané, se colore de rouge quand le pouvoir temporel prend le pas sur les affaires spirituelles. Et on sacrifie ainsi ce que l'Eglise a de meilleur, pour laisser la place simplement aux désirs des hommes, bien loin de l'amour de Dieu. Tout cela montre bien, les limites de la foi.