Oppenheimer: Réaction en chaîne
Oppenheimer est le nouveau film de Christopher Nolan et comme pour chacun de ses longs métrages dorénavant, il s’agit d’un véritable événement. A première vue, le sujet pris pour cette histoire peut sembler étonnant pour le réalisateur de blockbusters le plus en vue de ce début de siècle. J.Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique. Il y a des sujets qui semblent plus intéressants pour un film à grand spectacle.
Et pourtant, quand on se penche sur la filmographie de Nolan, les choses deviennent assez limpides. La perception du temps est un sujet qui l’obsède, cela s’était déjà vu dans Memento avec les problèmes de mémoire de son protagoniste. Dans Tenet, le temps s’inversait et permettait de faire des choses incroyables. Dans Interstellar, la relativité du temps permettait à un père de devenir plus jeune que son enfant, et on en passe.
Mais qui dit temps, dit aussi physique. Et les lois du physique obsèdent également Nolan. Que ce soit pour les défier en rêve comme dans Inception. Ou pour nous illusionner comme dans Le Prestige qui faisait d’ailleurs intervenir le personnage de Nicolas Tesla, ingénieur bien connu, campé par un remarquable David Bowie.
Tous ces thèmes sont donc récurrents chez Nolan et irriguent son cinéma depuis plus de 20 ans (hors Batman!). Et on perçoit d’emblée cette cohérence devant Oppenheimer. Quand le cinéaste revient sur les années d’études du savant, en faisant dialoguer les physiciens les uns avec les autres au début du 20ème siècle, on se sent dans un endroit familier. Les noms de Bohr, Einstein et Heisenberg sont autant à leur place que ceux de Rockstar, et tous les concepts exposés infusent en nous. Spécifiquement l’essor de la physique quantique qui par bien des aspects est fascinant. Rapidement, on comprend l’intérêt de la dualité entre physique fondamentale et approche expérimentale, et toutes les choses qui sont entrées dans notre inconscient collectif, toutes ces théories qui ont été démontrées, on est très excité d’en voir la gestation.
Mais ce début de 20ème siècle a un contexte lourd avec la montée du nazisme en Europe et la Seconde guerre mondiale qui s’en est suivie. Et bon gré malgré, les scientifiques ont été mêlés de très près à cela. Pour le meilleur, et surtout pour le pire (les expériences atroces de Mengele notamment). Et le pire du pire malheureusement, c’est la conception de la bombe atomique.
Pierre Curie prévenait en 1903 après avoir reçu son prix Nobel suite à la découverte du radium : « Tout comme la dynamite de Nobel, l’importante énergie émise par les rayonnements peut servir à construire comme à détruire, à soigner comme à tuer. […] Je suis de ceux qui pensent avec Nobel que l’humanité tirera plus de bien que de mal des découvertes nouvelles. »
Et tout le film repose sur la dualité entre les bienfaits et les méfaits d’une découverte. Et sur la tentative de contrôle de la réaction en chaîne. Ainsi, le montage, pas toujours dans l’ordre chronologique, alternant la couleur et le noir et blanc, selon le point de vue du personnage qui raconte (balancement entre la vision d’Oppenheimer, et de Lewis Strauss), est un immense jeu de causalité. Chaque événement en entrainant un autre. Et les effets de ces évènements sont parfois différés dans le temps mais ne manquent jamais de survenir. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme disait Rabelais.
Tout cela donne un film dense, complexe, riche mais parfois un peu monolithique tant la masse à ingurgiter est conséquente. Mais quand on entre dedans, on a du mal à en sortir et notre cerveau est stimulé. Comme la curiosité d’Oppenheimer pour les idées communistes, les langues, et les cultures du monde.
La mise en scène est remarquable, la tension et le suspens omniprésent (l’essai Trinity pour la première détonation de la bombe, les auditions du sénat, de la commission de l’énergie atomique). Mais surtout, ce film est porté par d’exceptionnels comédiens, en premier lieu, le magnétique Cillian Murphy en Oppenheimer plus vrai que nature, et enfin, le fascinant Robert Downey Jr. en antagoniste fourbe.
Oppenheimer est un film difficile d’accès, qui ne donne pas énormément de plaisir mais qui stimule drôlement par ses dimensions démesurées. En près de trois heures, on ne souffle pas beaucoup, on rit peu, mais on en ressort aussi tourmenté que le protagoniste.
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