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Publié par andika

Rarement la série de concerts Philhar'Intime aura aussi bien porté son nom qu'en ce dimanche 20 mars 2022 à l'auditorium de la Maison de la radio et de la musique. Les musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, accompagnés de la pianiste Alice Sara Ott, proposaient dans leur traditionnel programme de musique de chambre, le Quatuor pour la fin du temps d'Olivier Messiaen. Mais avant cela, Ji-Yoon Park au violon, Karine Jean-Baptiste au violoncelle et Jérôme voisin à la clarinette jouaient une adaptation du London Trio n°3 pour deux flûtes et violoncelle de Josef Haydn.

Poster du concert

Les circonstances de la composition du London Trio n°3 sont assez floues, mais peu importe, cette musique est bien de son auteur. Le premier mouvement noté Spirituoso, est dynamique et joyeux. Les solistes du Philhar montrent une belle cohésion et une écoute mutuelle admirable, la clarinette de Jérôme Voisin s'intégrant parfaitement aux cordes. On ne soupçonnerait pas qu'il ne s'agit pas ici de la formation prévue par le compositeur. L'Andante est un moment tranquille où les musiciens font étalage de toute leur maîtrise avant un Allegro conclusif rythmé (croche pointée-double croche) et obsédant ! Une parfaite entrée en matière.

Il est de tradition que le soliste invité lors d'un concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France du vendredi soir,  se joigne à eux dans un programme de musique de chambre le dimanche après midi. Et c'est chose faite avec Alice Sara Ott, invitée à l'auditorium courant mars avant de partir en tournée avec la phalange parisienne. L'occasion de découvrir des solistes internationalement reconnus dans un cadre un peu plus intimiste. De quoi se sentir encore plus près d'eux. Le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen est l'œuvre parfaite pour vivre une expérience collective où chaque esprit se connecte. Composé alors que le compositeur était prisonnier de guerre en Allemagne en 1941, il ramène à la surface des émotions fortes. Et cette œuvre fait écho à l'actualité récente en Ukraine mais également aux drames qui peuvent nous toucher à une moins grande échelle, notamment la maladie qui frappe Alice Sara Ott. Mais cela n'empêche pas la résilience, ni la création. Bien au contraire. Dans une interprétation admirable, avec des jeux de lumière saisissants où le public est parfois totalement plongé dans le noir, le Quatuor pour la fin du temps nous fait faire un véritable voyage en près d'une heure de musique. Tout commence dans l'ambiance assez morose de la liturgie de cristal au premier mouvement, avec des cordes qui jouent dans le registre aigu. L'intensité augmente dans le deuxième mouvement, Vocalise, pour l'Ange qui annonce la fin du temps. Les accords sonores du piano d'Alice Sara Ott prennent possession de l'espace, un ostinato obsédant puis tout s'éteint. Plongée dans le noir, voici que la clarinette de Jérôme Voisin occupe seule tout le volume de l'immense auditorium. Dans une écriture pure, simple à l'oreille mais d'une grand difficulté technique, l'Abîme des oiseaux nous terrasse. Par la puissance de la clarinette, par le souffle du soliste, par la profondeur des nuances, et surtout, les silences glaçants,  l'âme tremble. L'intermède qui suit contraste tant il est joyeux. Le cinquième mouvement Louange à l'Éternité de Jésus rassemble le piano et le violoncelle de Karine Jean-Baptiste, dans une lumière tamisée. Dans ce mouvement calme et infiniment lent, on flotte comme en apesanteur, hors du temps et de l'espace. Mais le retour sur Terre est brutal avec la lumière rouge qui inonde maintenant l'espace. Le sixième mouvement est en effet une Danse de la fureur, pour les sept trompettes. Les solistes instaurent le tumulte à l'unisson dans un rythme effréné. L'intensité redouble constamment, chacun pousse son partenaire dans ses retranchements. La tension ne retombe pas dans le mouvement 7 noté Fouillis d'arcs-en-ciel, pour l'Ange qui annonce la fin du temps, même si le rythme est plus calme. Enfin, Louange à l'Immortalité de Jésus, achève l'œuvre dans le calme avec uniquement le violon de la brillante Ji-Yoon Park, et le piano de la merveilleuse Alice Sara Ott. Les accords du piano meurent doucement avant de laisser place à un long silence, le temps de reprendre son souffle après ce voyage intime, vers les tréfonds de l'âme humaine et peut-être bien, la fin du temps.

Programme du Philhar'Intime du 20 mars 2022 à l'auditorium de Radio France
JOSEPH HAYDN
Trio londonien n°3 en sol majeur Hob IV/3

OLIVIER MESSIAEN
Quatuor pour la fin du Temps

ALICE SARA OTT piano
Musiciens de l’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
JI-YOON PARK 
violon
KARINE JEAN-BAPTISTE violoncelle
JÉRÔME VOISIN clarinette

 

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