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Publié par andika

Illusions perdues de Xavier Giannoli est une superbe adaptation du roman d'Honoré de Balzac. Pour qui aime cet auteur, le film fera le même effet que la lecture d'un de ses ouvrages. A savoir une plongée en profondeur dans l'âme humaine. Une navigation à vue dans cette société bourgeoise de la France du XIXème siècle. Et enfin, on aimera bien entendu le sens inné du drame devant ces destins brisés.

Il s'agira cette fois-ci de celui de Lucien, jeune poète inconnu originaire de la Charente, épris des mots et de la noble Louise. Cependant, dans la France de la restauration, il n'était pas forcément bien vu pour un roturier de frayer avec la noblesse. Malgré le passage de la Révolution de 1789. Mais n'écoutant que leur amour, les deux tourtereaux fuient à Paris. 

Et là où l'Ancien Régime règne encore en maître dans la Province, il n'en est absolument rien dans la capitale éruptive. Et c'est là que le film de Xavier Giannoli trouve sa force et tout son sel. Par le rythme imprimé dès que le héros arrive à la capitale. Dans un tourbillon d'événements, d'action,de dialogues et de découvertes, on se rend compte que l'on observe les ferments de ce qui cloche encore dans la société d'aujourd'hui. Une presse avide de sensationnalisme. Une littérature dopée aux polémiques et au copinage. Des privilèges pas encore tout à fait abolis. Une fracture sociale béante. Et enfin, un gouvernement toujours enclin à restreindre les libertés.

C'est ainsi que l'on observe qu'en matière de capitalisme, le vers était déjà dans le fruit dès l'origine. Qu'il est insolite de remarquer l'intérêt des grands groupes industriel de détenir de titres de presse dès cette époque. Qu'il est contemporain de voir à quel point la publicité exerce une emprise sur cette même presse. A coup de d'articles achetés, de cabales au théâtre ou à l'opéra, la vie parisienne se drape de faux-semblants.

Les idées ne comptent plus, les sentiments ne comptent plus. Tout ce qui reste, ce sont les apparences. Mais à ce petit jeu là, certains sont avantagés par rapport à d'autres. Lucien, campe par un excellent Benjamin Voisin, plein d'engagement et de naïveté pure sous ses airs juvénile, va apprendre à ses dépens la dure vie parisienne. Louise, jouée par une Cécile de France magnifique, qui excelle dans les rôles en tenue d'époque, propose quelque chose de différent. Bien entendue guidée par ses sentiments, elle n'en oublie pourtant jamais d'où elle vient. Enfin Etienne, journaliste qui prend Lucien sous son aile, est joué par un Vincent Lacoste toujours aussi désabusé et blasé. Il a tout vu, tout entendu, sait tout, et plus rien ne le surprend. Il a été consumé par Paris. Cependant, la voix off omniprésente, confiée au personnage de Nathan, incarné par l'excellent Xavier Dolan, permet souvent une respiration bien nécessaire et une prise de recul salvatrice permettant de bien percevoir constamment tous les enjeux du drame.

Film doté d'une énergie vivifiante, avec des costumes magnifiques, des décors parisiens familiers mais qui viennent tout droit du passé. On adore le rythme de ce film d'époque avec belle photographie dotée d'une lumière chaude, rappelant parfois les meilleures heures d'Amadeus, que ce soit au niveau de la fête, ou au niveau du drame. Les choix musicaux, pour beaucoup issus du répertoire classique, ne sont pas non plus étrangers à cette parenté supposée.

Monter à Paris permet de trouver la gloire, cependant, le mythe d'Icare ne doit jamais être oublié, au risque de se briser les elles, ou de perdre ses illusions.

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