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Publié par andika

L'Orchestre Philharmonique de Radio France a fait sa rentrée le vendredi 18 septembre à l’auditorium de la Maison de la radio, au complet, dans une configuration normale, sous la direction de son directeur musical, le fraichement reconduit Mikko Franck. Configuration normale, mais à un détail près. Les musiciens de l'orchestre et le chef étaient masqués (sauf les vents bien entendu). Mais même si l'impression visuelle est différente, au niveau de l'audition, on retrouve avec gourmandise l'orchestre dans un programme à faire envie. Avec tout d'abord la création mondiale de Avant les clartés de l’aurore de Camille Pépin, victoire musique classique 2020 de la meilleure composition. Ensuite, un tube incontesté, à savoir le Concerto pour piano n°3 de Rachmaninov, accompagné par la pianiste Anna Vinnitskaya et enfin, l'onctueux Martyre de saint Sébastien (fragments symphoniques) de Claude Debussy.

Avant les clartés de l'aurore est une commande de Radio France à la compositrice Camille Pépin. Partition commandée bien avant la pandémie que nous connaissons et pourtant, intimement liée à elle dans la mesure où l’œuvre a été composée pendant le confinement. Pour cette composition, Camille Pépin s'est inspiré de quatre vers de Pouckkine dans la mesure où il devait y avoir un lien avec la Russie .

Ainsi la lune sur la rose,
Que la pluie alourdit encore,
Répand sa mystique lueur,
Avant les clartés de l’aurore.

Alexandre Pouchkine

La musique suivant alors le contenu de ces quatre vers. Et pour qui est familier de la musique de la compositrice, l'étonnement arrive rapidement. Tout d'abord avec cette orchestration modeste, et spatialisée. Deux clarinettes, deux cors, deux trompettes, deux violons et deux violoncelles ainsi que des percussions. Une nomenclature permettant de respecter la distanciation physique sans aucune difficulté. Cette musique étonne aussi par son rythme assez lent. Inhabituel chez la compositrice dans ses ouvres précédentes. Un changement de style qui permet de mieux profiter des belles harmonies, et des couleurs très françaises qui jalonnent cette musique. Mikko Franck maintient les équilibres de cette partition éminemment sensorielle (très bel usage des cuivres à cet égard). La progression vers la résolution finale se faisant naturellement. Un témoignage emprunt de maturité chez la jeune compositrice, qui annonce une possible évolution potentiellement très intéressante dans sa production.

Le Concerto pour piano n°3 de Rachmaninov avait été composé en prévision d'une tournée du compositeur en Amérique. Avec sa partition, il voulait séduire grâce à la virtuosité qu'il y mettait. Mais la séduction ne s'est pas limitée à l'Amérique tant et si bien que la popularité du fameux Rach 3 ne s'est jamais démentie. La pianiste de nationalité russe Anna Vinnitskaya  semble connaitre parfaitement cette musique et se montre d'une fiabilité à toute épreuve. Son jeu est si peu affecté que sa performance semble être issue d'un disque ayant subi un montage. La netteté des phrasés, la précision des attaques, la cohérence de la construction, amènent même parfois à douter que la pianiste se trouve devant nous sur la scène. Mais l'émotion n'est jamais bien loin comme par exemple dans ces dialogues sublimes lors du premier mouvement avec la petite harmonie de l'orchestre, ou encore ce merveilleux cantabile dans le phrasé de l'Intermezzo. De son côté, l'orchestre se distingue avant tout par ses solistes qui amènent beaucoup de couleurs. Mais ce qui est gagné sur ce plan est un peu perdu du côté de la cohésion. Ainsi, les cordes tardent à s'imposer tandis que les bois brillent de mille feux et font découvrir la richesse de l'orchestration (sublime Jean-François Duquesnoy au basson). De plus, l'orchestre a parfois tendance à recouvrir légèrement la soliste. Néanmoins, plus l’œuvre avance, plus les soucis se règlent, et les points forts deviennent de plus en plus saillants. Avec des solistes toujours aussi fiables, à ce titre, l'envie d'ovationner sur le champ Olivier Doise au hautbois au début de l'Intermezzo s'est fait ressentir. Les cordes quant à elle faisant un retour tonitruant dans les longues phrases élégiaques du mouvement lent avec un merveilleux vibrato. Le Finale n'étant que fête, dynamisme et virtuosité du côté de la pianiste qui domine son sujet et donne de l'élan à l'orchestre dans ce fameux Alla breve. Après une ovation bien méritée, Anna Vinnitskaya enchante une nouvelle fois le public avec un extrait des Valses nobles et sentimentales de Maurice Ravel. Une fois de plus, son sens de la construction fait mouche.

Enfin, dans ce monde de la Covid 19, l'entracte n'existe plus. Après un petit changement de plateau, place à Debussy. Ravel étant la transition parfaite pour revenir en France. Le Martyre de saint Sébastien  est une musique destinée à la scène dont l'éditeur de Debussy a tiré les fragments symphoniques pour le concert. Encore une opportunité pour le Philhar' de briller dans ses qualités, avec une large palette de couleur que Mikko Franck expose avec justesse, en prenant un grand soin des nuances.

Une rentrée masquée, en douceur, pleine de vie malgré les circonstances. Et en ces temps incertains, c'est déjà ça de pris. Le plaisir de se retrouver ensemble dans une salle de concert.

Concert disponible à l'écoute sur France Musique

 

Programme du concert du Vendredi 18 septembre à l'auditorium de la maison de la radio

CAMILLE PÉPIN
Avant les clartés de l’aurore 
(commande de Radio France – création mondiale)

SERGUEÏ RACHMANINOV
Concerto pour piano et orchestre n°3 ré mineur opus 30

CLAUDE DEBUSSY
Le Martyre de saint Sébastien (fragments symphoniques)


ANNA VINNITSKAYA piano
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
MIKKO FRANCK
direction

 

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