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Publié par andika

En ces temps troublés d'épidémie du Covid 19, nous pourrions être tentés de rester confinés chez nous. Mais l'appel de l'Orchestre Philharmonique de Radio France était trop fort le vendredi 6 Mars 2020 à la Maison de la Radio et justifiait bien de braver tous les dangers. Pour retrouver cet orchestre trop longtemps délaissé, notamment à l'occasion du Festival Présences. Mais aussi pour voir de nouveau à l’œuvre ce très jeune chef, Klaus Mäkelä, qui nous avait déjà fait forte impression au printemps dernier dans une puissante 5ème de Chostakovitch. Et puisque que le thème est aux retrouvailles, plaisir également de réentendre le violoncelliste Truls Mørk après un concert avec le National où il avait donné une œuvre d'Enesco en 2017.

Pourquoi parler de soirée Franco-finlandaise ? Car c'est évidemment le thème de ce concert. Un chef finlandais, un orchestre français. Des compositeurs finlandais et un compositeur français. De quoi opérer un alliage cohérent et intéressant. Avec d'un côté les Gigues de Debussy auxquelles répond le Concerto pour violoncelle de Salonen. Et en deuxième partie, les Rondes de printemps du même Debussy auxquelles rétorque la Symphonie n°1 de Sibelius.

Debussy n'a pas pour ainsi dire pas laissé de symphonie, tant il estimait la forme à bout de souffle. Toutefois, il s'est quand même adonné à la composition pour l'orchestre. Tout d'abord avec La Mer, mais aussi avec les Images au programme de ce concert. Composées en 1905, elles sont en trois parties (« Gigues », « Iberia », « Rondes de printemps »). C'est Gigues qui commence ce concert et tout cela s'ouvre dans la clarté, les couleurs et les articulations chères au style français. Le chef, se fond parfaitement dans cette tradition avec beaucoup d'enthousiasme et d'énergie et met en valeur la petite harmonie et les cuivres, tout en prenant attention à faire danser et ne pas relâcher le rythme. Merveilleuse entrée en matière.

Le Concerto pour violoncelle de Salonen est une pièce encore très jeune. Composé en 2016, il fait appel à un large effectif, avec notamment des congas et bangos mais surtout de l'électronique qui permet d'obtenir des effets étonnants. Dans le premier mouvement Truls Mørk ne peut s'extraire de l'orchestre puis est subitement mis en avant. Beaucoup d'assurance dans un chant mélodieux. Armé de sa partition, le soliste fait montre de beaucoup de maîtrise. Le chef quant à lui maintient l'équilibre au milieu de la profusion d'éléments musicaux, (cordes dans l'aigu, déluge de percussions). Dans le deuxième mouvement, un tumultueux tutti laisse place au violoncelle et des effets d'échos commencent à se mettre en place avec les basses et les bois mais aussi l'électronique. Le violoncelle commence alors à aller dans les aigus et singer le chant d'un oiseau. Dans le Troisième mouvement, l'irruption des congas amène de la danse et de l'urgence. Une fièvre saisit alors l'orchestre, que le chef maîtrise bien. Le pupitre des cuivres rugit, et l'ensemble s'achève avec beaucoup de caractère. Œuvre protéiforme, définitivement neuve et très intéressante. Et apparemment éreintante étant donné que le soliste ne revient pas donner de bis !

Retour à Debussy après l'entracte. Retour aux Images avec cette fois-ci les Rondes de printemps. Ici, toujours autant de clarté mais surtout l'énergie de la jeunesse avec l'évocation des beaux jours qui reviennent, des hormones, des couleurs qui reprennent possession des paysages. Des cordes mordantes, conquérantes, une petite harmonie à la douceur de l'herbe chaude des prés du printemps. Et enfin, un discours musical plein de sève, plein de vie, et de cet enthousiasme qui appartient aux jeunes gens.

Enfin, rien de tel que la Symphonie n°1 de Sibelius pour conclure la soirée. Pour sa première tentative, il est déjà pleinement lui-même, même si ici et là, on pourra entendre les influences de Tchaikovski, Dvorak, Bruckner ou Borodine. Composée en 1899, son succès ne se démet pas. Après une introduction lunaire à la clarinette, un vent de fraîcheur souffle sur l'orchestre lors de l'énoncé du thème du premier mouvement, noté Andante ma non troppo - Allegro energico. Les cuivres sont glorieux, l'équilibre des plans sonores est réjouissant et on apprécie énormément les interventions de Magali Mosnier à la flûte et d'Hélène Devilleneuve au hautbois. Une énergie inépuisable s'échappe de l'orchestre, et de ce chef à la gestique démonstrative et gracieuse sur son pupitre, dans son costume sur mesure à la veste croisée d'une grande élégance. Le deuxième mouvement, Andante (ma non troppo lento) est un moment qui oscille entre lyrisme et légèreté. Avec des cordes rappelant le romantisme auxquelles répondent les couleurs champêtres des bois. Ces deux registres cohabitent de façon équilibrée avant que la tension du Scherzo n'emporte tout. Le thème circulant avec fougue de pupitre en pupitre avant l'accalmie du trio. Le Finale (quasi una fantasia) : Andante – Allegro molto est quant à lui un grand moment de force orchestrale. Des cordes dignes des plus grandes phalanges, un lysrisme encore une fois exacerbé et surtout, un chef qui ne craint pas de monter le son. Un parfum d'aventure parcourt l’auditorium de la maison de la radio dans un Finale d'une puissance dévastatrice, empreint de la fougue juvénile de Klaus Mäkelä.

Un programme franco-finnois plein de beauté et de plaisir. Plein de fraicheur et de nouveauté. Plein d'audace et de talent. Mäkelä est définitivement un chef à suivre de très près.

Programme du concert du 6 mars 2020 à la maison de la Radio
Claude Debussy
Gigues

Esa-Pekka Salonen
Concerto pour violoncelle

Claude Debussy
Rondes de printemps

Jean Sibelius
Symphonie n°1

Truls Mørk violoncelle
Orchestre Philharmonique de Radio France
Klaus Mäkelä direction

Concert disponible à la réécoute pendant un mois sur France Musique

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