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Publié par andika

Le Boston Symphony Orchestra fait partie du fameux Big Five des orchestres américains. Sa tournée européenne passait par la philharmonie de Paris le temps d’un week-end. Pour ce concert du samedi 15 septembre 2018, nous étions heureux d’entendre de nouveau la fameuse Symphonie n°3 de Gustav Mahler après une première écoute avec l’orchestre national de France en janvier au Théâtre des Champs Elysées. Plaisir également de retrouver le jeune chef letton Andris Nelsons après l’avoir découvert avec son autre orchestre, le Gewandhaus de Leipzig au printemps.

 

La troisième symphonie de Mahler est un sacré morceau. Elle est parfois surnommée la « Symphonie Monde » tant elle cherche à dépeindre tous les aspects de la vie et de la création. Tout à fait panthéiste, elle narre successivement l’été qui fait son entrée, ce que content les fleurs, les animaux, les hommes, les anges, l’amour. Œuvre éprouvante et longue, elle recèle de nombreux écueils. En effet, il s’agit d’une des œuvres les plus longues du répertoire et il est vite arrivé de trouver le temps long avec un chef qui s’y prend mal. Tel n’est pas le cas d’Andris Nelsons qui parvient constamment à insuffler de la vie dans cette partition. Il est vrai qu’il a été aidé par un orchestre exceptionnel dont l’exécution a été en tous points remarquable.

 

Dès l’introduction du I Kräftig, on sent un chef décidé, plein de convictions. Des cuivres vrombissants avec pas moins de neuf cors, un équilibre constant des plans sonores, des transitions soignées. On assiste à une interprétation appliquée. Puis plus la musique avance, plus l’orchestre impressionne dans ce mouvement monumental qui équivaut à lui seul à une symphonie entière de Mozart. Le deuxième thème aux allures martiales fait frissonner. L’irruption de la caisse claire se savoure, et même depuis les coulisses, les autres percussions se font entendre. Le trombone solo Toby Oft quant à lui domine.

Après cette « introduction » monumentale, le ton s’allège et le tempo s’accélère avec le II, Tempo di menueto. Les bois prennent les devants et amènent un vent de fraîcheur. Les fleurs évoquées par Mahler sont presque visibles et la nature fait irruption au sein de la philharmonie, ici un beau hautbois solo, là des instruments enchevêtrés qui se complètent parfaitement pour donner un ensemble très échevelé, espiègle. Le III, Scherzo est pour reprendre les mots du compositeur « comme dans une cathédrale gothique, la confusion apparente doit se résoudre en un ordre et une harmonie naturels. » Et Andris Nelsons s’est appliqué à retranscrire cela. Tempo allant, avec des bois une fois de plus fabuleux (clarinettes, bassons, hautbois), un sens de la pulsation qui insuffle de la vie, tellement de vie. Des contrastes saisissants entre le timbre grinçant de la petite clarinette mais en même temps, un son d’ensemble clair comme de l’eau. Cela se caractérise de la manière la plus éloquente avec le fameux solo de cor de postillon en coulisse qui dialogue dans une unité de son formidable avec les cordes. Sans oublier des tuttis ravageurs qui ne gâchent rien.

Puis survient enfin l’irruption de la voix humaine avec la formidable mezzo Susan Graham dans le IV. Quel timbre chaud, quelle voix profonde, même placé derrière la chanteuse, on peut savourer son chant. Une diction irréprochable, un dialogue saisissant avec l’orchestre, notamment un hautbois solo déchirant, si coloré, vibrant. On note également un solo de cor magique. L’émotion vient autant des notes que des paroles lorsque la mezzo déclame  « Tief, Tief, Tief ist ihr Weh » (Si profonde, profonde soit la douleur du monde). Oui, cet extrait du Chant de minuit issu d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzche est profond, très profond. Toujours la voix, mais celles des anges de la Maitrise de Radio France et du Chœur des femmes de Radio France, pour chanter cette fois-ci un extrait du Knaben Wunderhorn dans le V. Les cloches cachées répondent aux onomatopées du chœur, le chant de la maitrise est maitrisé, l’ensemble est équilibré entre l’orchestre, la soliste et la chorale qui termine sur ces paroles divines « Durch Jesum und allen zur Seligkeit » (Grâce à Jésus et pour le salut de tous), avec une belle ferveur.

Et enfin arrive le fameux Finale, l’adagio de l’amour en VI. Après avoir été puissant tout le long, l’orchestre sait être doux, les cordes prennent enfin le pas pour caresser cette philharmonie en instaurant une brise du plus bel effet. L’amour est en effet partout, le chef est précis, expressif, investi, il maîtrise tout, notamment les entrées successives des différents instruments qui se font le plus naturellement du monde. Les transitions, la progression, les effet et crescendo, tout est réussi.

 

La symphonie n°3 de Mahler est toujours une expérience profonde qui fait traverser toute une gamme d’émotions. Elle doit se vivre pleinement au concert, afin de pénétrer les êtres dans leur entièreté. L’interprétation de l’orchestre de Boston dirigé par Andris Nelsons a été en tout point admirable. Evidemment, la perfection n’existe pas, les cuivres sont dangereusement exposés tout le long, mais l’exécution a été techniquement irréprochable, le chef a adopté une direction claire et avisée. Nous avons peut-être d’ores et déjà assisté au meilleur concert de la saison. Avant celui du lendemain peut-être !

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