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Publié par andika

Jeudi 29 Mars 2018, le merveilleux Orchestre Philharmonique de Radio France donnait la Symphonie n°9 en ré majeur de Gustav Mahler, sous la direction de Hartmut Haenchen  (il remplaçait pour l'occasion Chung Myung-whun, directeur musical honoraire de l'orchestre qui a eu un accident de voiture) à la maison de la radio. Cela, un peu plus d'un mois après la tentative de l'Orchestre de Paris à la Philharmonie. Mais cette fois-ci, la symphonie était la seule œuvre au programme, et il est vrai qu'elle est entièrement suffisante. Symphonie posthume, composée en 1909 après le Chant de la Terre, sa vrai 9ème. Mais pour tromper le destin de ce chiffre maudit, qui avait vu tant de compositeurs s'arrêter à une 9ème symphonie, Mahler a utilisé un subterfuge pour tromper la mort. Malheureusement pour lui, il est mort après la composition de sa 9ème justement qu'il n'aura jamais entendue de son vivant. Merveilleuse partition restée dans un tiroir pendant près de trois années avant sa création.

Cette symphonie raconte une sorte d'adieu, un adieu au monde, à la vie après avoir fait le tour des choses. Mais elle ne préfigure pas la mort, non. Elle n'est pas prophétique, elle ne signifie pas que son auteur se sentait prêt à partir. Au contraire, elle revient avec tendresse sur la vie, ses vicissitudes, la nostalgie, l'amour. Il se dégage de cette musique une grande sérénité. Et de la sérénité, le chef Hartmut Haenchen n'en manque pas. Son geste est enthousiaste tout en restant assez sobre, on ressent surtout une élévation due à la beauté de cette musique qu'il ne va cesser de mettre en valeur. Notamment par l'usage de tempi lents. On a droit ici à une lecture qui arrive facilement vers les 1h30, à savoir une version assez longue. Ainsi, tout est caressé avec tendresse, amour, attention, précision. La partition est défrichée, tous ses charmes sont livrés à l'oreille du spectateur. L'intérêt d'être présent dans la salle ne cesse jamais de se faire ressentir car on est vraiment pénétré par la musique. La variété des timbres, les couleurs, tout n'est que richesse, opulence. L'Andante comodo initial est un flot continue de musique, tel une marée qui vient recouvrir la plage de son écume, on est submergé. La clarté du phrasé des cordes, la fluidité des plans sonores, la brillance des cuivres, le balancement entre les timbales et les cordes, la chaleur de la petite harmonie, tout nous emporte. La quiétude laisse place à l'amusement ironique dans le Ländlers. L'ambiance est champêtre, Jean-François Duquesnoy au basson solo s'en assure. Du trille, du vibrato aux cordes, du grincement au hautbois (un Olivier Doise exceptionnel) , du chant aux cors, des violoncelles énervés lorsqu’ils reprennent le thème, du staccato, des attaques précises, un tempo qui prend le temps de respirer et qui n'accélère pas brutalement lorsqu’il faut en changer. Les premiers temps des mesures accentués. Tout cela donne un ensemble grotesque, sarcastique, beau, triste pour un mouvement empreint de nostalgie. Tempo toujours aussi lent dans le Rondo Burleske. Mais le sommet de contrepoint dont tout le monde parle en évoquant ce mouvement, cette fois-ci on l'entend distinctement. Un phrasé d'école, des plans sonores qui se distinguent, un fugato permanent qui s'échappe de partout, surtout des bois (ah ces clarinettes) et une lente progression vers la violence de la fin du mouvement. Une construction implacable qui dénote une cohérence certaine. Enfin l'Adagio revient dans le registre de la caresse. Le temps est suspendu, le chef façonne, poli la masse sonore et fait ressortir toutes les beautés de la musique qui disparait peu à peu. Une richesse, une générosité. Surtout une grande émotion, l'impression que cette musique nous a été révélée grâce à ce chef et à cet orchestre. Où l'on se rend compte de tout l'intérêt de venir au concert, en voyant par exemple le hautbois solo et la flûte solo Magali Mosnier s'échanger des regards complices tout en jouant parfaitement à l'unisson. Une fois de plus la 9ème de Mahler a triomphé, mais vraiment pour d'excellentes raisons cette fois-ci.

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