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Publié par andika

Vendredi 10 novembre avait lieu à la Philharmonie de Paris un concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par son directeur musical, Mikko Franck. Le programme comprenait la Symphonie n°2 en do mineur, Résurrection de Gustav Mahler et rien de plus. Mais la deuxième de Mahler se suffit à elle même, et comble amplement les besoins en musique du mélomane averti. Il s'agissait de la seconde tentative cette année après celle mitigée de l'Orchestre de Paris en Mai.

D’emblée, il nous faut avouer que nos impressions sont beaucoup moins mitigées aujourd'hui après la lecture faite par Mikko Franck. Bien entendu tout n'a pas été parfait car la perfection n'existe pas, là une petite imprécision, là carrément une fausse note, ou là des solistes un peu décevantes, là un chœur qui n'entre pas exactement pianissimo comme il le devrait. Oui nous avons entendu tout cela mais ça ne pesait guère face à l'incroyable enthousiasme du chef ! Quelle imagination, quelle inventivité. Franck est connu pour diriger assis, sa chaise était même sur son pupitre mais dès les premières mesures de la Totenfeier, il était déjà debout, en bas de son estrade au plus près des musiciens, mu par une force incroyable, il insufflait son énergie qui se répercutait sur l'ensemble des pupitres. Tout cela passait par une gestion parfaite des nuances et dynamiques, des courbes bien dessinées, des sons réfléchis. Des rubatos bien sentis, des accélérations, des ralentis, tout était tellement inspiré. Bien entendu, Franck n'était pas seul, bien au contraire, il était souvent placé au plus près des cordes, pupitres qui ont été irréprochables durant toute cette soirée.

Malgré le très large effectif de cet orchestre bibendum chez Mahler, l'écoute mutuelle et la complicité des musiciens étaient à leur comble dans une ambiance quasi chambriste qui étonne beaucoup dans cette musique mais qui est du plus bel effet. Cela se traduisait le plus aux bois. La subtilité de la direction de Franck s'incarnait dans le premier mouvement par un début excellent avec un merveilleux crescendo, une polyphonie magique, un tempo modéré pour un Allegro mais qui fonctionne car très subtile, construit. Les phrases vivent et ont une cohérence. Même si le premier mouvement est une sorte de marche funèbre, le premier mot qui vient à l'esprit est l'envoutement. Le texte est décortiqué et épuré, de sorte qu'il n'y en a jamais de trop.

L'étonnement continue dans cet Andante qui contrairement aux attentes avance allègrement en sautillant, en bondissant, en chantant. L'attention portée au contrechant des cordes basses, ces notes en pizzicati qui swinguent ! Une espèce de féérie s'empare alors de l'auditoire pour mieux être frappée par ces coups de timbale initiateurs du fameux Scherzo. In Ruhig fliessender Bewegung...Tempo très vif, sarcastique, des bois colorés, notamment aux clarinettes et au hautbois, mention spéciale à Olivier Doise, merveilleux hautbois solo avec un timbre si séduisant. L'arrivée de la Mezzo, Ekaterina Gubanova amène un peu de gravité dans cet Urlicht. Une belle diction mais un timbre pas assez chaleureux et à l'encontre de la lumière originelle scandée et pourtant, cette voix se marie tellement bien avec le hautbois solo.

Enfin ce mouvement final. Cette cinquième partie cosmique qui nous fait passer par tous les états. Cette véritable fanfare dans la coulisse à laquelle répond celle présente sur scène avec ces cuivres magnifiques. Ces percussions variées, notamment cette grosse caisse qui résonne dans le ciel de cette philharmonie. Ces fortissimos qui ne saturent pas et qui restent parfaitement intelligibles. L'élan est constant, le dialogue entre les musiciens et leur écoute mutuelle au maximum. Et enfin ce Chœur de Radio France avec des graves magnifiques. Oui, il n'entre pas pianissimo mais quelle conviction, notamment lorsqu'il scande "Was vergangen, auferstehen !" (Ce qui a disparu doit renaître). Ou cette merveilleuse Dorothea Röschmann, soprano solo si poignante et convaincante lorsqu'elle nous dit "Hast nicht umsonst gelebt, gelitten !" (Tu n'as pas vécu, souffert pour rien). Enfin cet orgue qui se fond parfaitement à l'ensemble tout en se faisant entendre. Encore de l'équilibre dans ce final qui implique pourtant tellement de musiciens. Une épure, une émotion manifeste, une joie surtout, en un mot, une résurrection !

NB: Le concert sera diffusé le 15 décembre 2017 sur France Musique

 

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