The Square: La satire géométrique
Quelle est la limite ? C'est la question que ne cesse de poser The Square. Curieux objet que cette Palme d'Or 2017 qui ne fait rien d'autre que de ridiculiser justement ce monde de l'art. Ici art contemporain, mais le propos pourrait également s'appliquer au cinéma, il suffirait de changer de cadre.
Quelle est la limite de l'art tout d'abord ? Qu'est-ce que l'art ? Des petites pyramides d'argile dans une exposition ? Un homme qui se prend pour un singe et dont la seule performance se limite à tester les limites des autres face à sa férocité ? Une vidéo montrant une explosion ? Un carré ?
L'art c'est tout cela et rien de cela à la fois. Et répondre de manière absolue à la question, c'est justement poser des limites.
Ce qu'il y a de fascinant dans les mathématiques, c'est qu'il s'agit d'un outil qui permet de quantifier et de délimiter un grand nombre de choses, en d'autres termes, poser des limites. La géométrie est un exemple parlant, on va calculer une aire, un périmètre, un volume. C'est l'ambition du carré qui est l’œuvre d'art qui donne son nom au film, il s'agit d'un espace de confiance et d'altruisme, toutes les personnes y sont égales en devoirs et en droits. Si on pose cette limite, cela signifie bien qu'à l'extérieure du carré, ce n'est pas le cas. Limpide. D'où ces nombreux plans sur des SDF, des mendiants qui se confrontent à toute cette bourgeoisie, à toutes ces richesses opulentes. Toute cette indécence tournée en bourrique lorsque le directeur du musée qui est le personnage principal pense secourir une femme dans le besoin et se retrouve lui-même victime. Ce petit insolent bafoué et bien d'autres choses encore qui montrent que le monde ne tourne pas rond.
Et pourtant, dans la mise en scène, le réalisateur essaye constamment de garder ses personnages dans les limites, en plaçant astucieusement sa caméra dans la diagonale d'un carré et en usant souvent de plans très serrés. Ou encore, cette caméra qui tourne sur elle même pendant que les personnages montent à l'escalier. Ou cette utilisation continue du premier prélude du livre I du Clavier bien tempéré de Bach qui met la musique dans un cadre strict et rigoureux. Mais d'un autre côté, le cadre est explosé, les séquences s'allongent à n'en plus finir, en provoquant le rire, souvent, le malaise, parfois. Le rire dans une scène de sexe sans aucune passion, dans un dialogue entre amants totalement barré qui interroge sur la notion d'attirance, le rire avec cet enfant qui ne manque pas d'aplomb, ou cet homme singe qui va finir pas devenir le Némésis.
Quelle est la limite à la passivité de l'Homme devant l'injustice ? Quelle est également la limite à son action ? Riches questions. Questions posées de plus en plus explicitement au fur et à mesure que le film avance.
Arrivé à la fin, on est tenté de dire qu'il n'y en a pas ! Mais dès le premier plan, ce film ne pouvait que partir en vrilles avec ce mec posé sur un sofa, tout habillé après une nuit de folie. La disposition du plan faisait qu'il était en diagonal. Pas pratique pour délimiter une espace cohérent.