La Clémence de Titus à Garnier: Un opéra tout en maîtrise
En cet été 2021, être détenteur d'un passe sanitaire permet de faire beaucoup de choses, notamment de se rendre à l'Opéra Garnier le 11 juillet dernier afin de voir une représentation de La Clémence de Titus de Mozart. Composé en 1791 sur un livret de Metastase, parfaitement contemporain de La flûte enchantée, cet opéra ne jouit pourtant pas de la même popularité. Et pourtant, Mozart ici est au comble de la maturité et de la maîtrise dans l'écriture de la musique. Opéria Seria en deux actes, sans comédie, il met en scène le héro éponyme, Titus, qui voit partir Bérénice qu'il ne pourra finalement pas épouser, et qui est la cible d'un complot ourdi par Vitelia, femme qui convoite le trône d'impératrice et le mariage avec lui. Et ce dans une énième reprise de la mise en scène épurée et non moins efficace de Willy Decker.
Une mise en scène efficace
Le pierre angulaire de cette mise en scène est la sculpture de Titus qui se révèle au gré de l'avancée de l'opéra. Au début, on voit un bloc de pierre et puis peu à peu, le buste prend forme, au fur et à mesure que l'on découvre la personnalité de cet empereur, plein de bonté et d'honneur. L'action qui se déroule sur le plateau est fluide. Les costumes sont sobres et fabriqués dans des matériaux de qualité. Bien que l'ensemble de la direction artistique s'inscrive dans la tradition, il ressort quelque chose de résolument moderne. Surtout dans la mise en avant de la bienveillance et de la tolérance, valeurs qui ont gagné en importance depuis la date de création de cet opéra.
Une direction musicale inégale
Mark Wigglesworth à la tête de l'Orchestre de l'Opéra national de Paris adopte une direction sobre qui colle à l'action et permet aux chanteurs de s'épanouir. Cependant, l'ensemble manque un peu d'engagement, notamment aux cordes qui jouent cela de manière routinière et confortable. Au détriment de la dramaturgie et de l'intensité requise par certaines nuances musicales. Cependant, d'autres pupitres de l'orchestre se distinguent, notamment la petite harmonie. Plus spécifiquement, lors de l'acte 1, pour l'aria de Sextus, « Parto, parto, ma tu, ben mio » où le solo de clarinette est juste sublime. Au sujet du Chœur de l'Opéra national de Paris, ce dernier chante masqué mais cela n'atténue pas son son. Mais on peut affirmer qu'il est parfois sous employé lorsqu'il est laissé à l'arrière scène. Et enfin, il est appréciable de voir les musiciens rester dans la fosse jusqu'à la fin des applaudissements. Nous avions été mal habitués quelques fois précédentes.
Des voix valorisées
La particularité de cet opéra, hormis qu'il a été composé en un temps record par Mozart (même si un peu aidé), est d'avoir des rôles travestis. Sextus était initialement un rôle de ténor puis a été tenu par un castra et au fur et à mesure du temps, ce rôle est désormais dévolu à une mezzo-soprano. Il en va de même pour le rôle d'Annius. Les différentes voix se marient à merveille, notamment dans les trio (« Se al volto mai ti senti » à l'acte 2) et quintette (Deh conservate, oh Dei acte 1). Mais les solos ne sont pas en reste. Stanislas de Barbeyrac excelle en Titus, avec une voix sobre et une présence scénique pleine de charisme. Le timbre un peu froid mais un medium solide pour un rôle qui ne le sort pas de sa zone de confort. Enfin, une fiabilité remarquable sur ses arias, notamment dans le Ah, se fosse intorno al trono de l'acte 1 où le mot "Felicita" est chanté avec grande passion. Amanda Majeski en Vitelia a la présence scénique impeccable mais au timbre un peu neutre, malgré l'intensité dramatique du rôle. On sent un inconfort sur certains aigus où nous aurions aimé plus de brillant. Mais son duo avec le Sextus de Michèle Losier fonctionne à merveille.
Conclusion
Voici ici une belle production dont nous aurions tort de nous priver dans les années avenir. Rien de tel pour reprendre ses aises à l'Opéra Garnier, toujours avec Titus et Bérénice !
Critique portant sur la représentation du 11 juillet 2021, 85 représentation à l'Opéra national de Paris, et la 62ème dans cette mise en scène.
Musique : Wolfgang Amadeus Mozart; Livret :Pietro Metastasio; Direction musicale :Mark Wigglesworth; Mise en scène :Willy Decker; Décors :John Macfarlane; Costumes :John Macfarlane; Lumières: Hans Toelstede; Chef des Choeurs : Ching-Lien Wu; Tito Vespasiano :Stanislas de Barbeyrac;Vitellia : Amanda Majeski; Servilia : Anna El-Khashem; Sesto : Michèle Losier; Annio : Jeanne Ireland; Publio Christian Van Horn |