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Publié par andika

Désigné Coupable (ou The Mauritanian en VO) est le dernier film du réalisateur britannique Kevin Macdonald à qui l'on doit entre autre Le Dernier Roi d'Ecosse ou encore, le documentaire au sujet de la chanteuse américaine Whitney Houston. Et il faut penser à ces deux films avant d'envisager Désigné coupable. Effectivement, on sent un certain intérêt du réalisateur à traiter des sujets réels. Amin Dada pour le premier film , et une star de la pop dans le second qui prend la forme du documentaire.

Et comme vous l'avez deviné, Désigné coupable est une histoire vraie comme l'affirme un texte montré au début du film. C'est celle d'un mauritanien du nom de Slahi, qui a la mauvaise idée d'avoir pour cousin un terroriste d'Al Qaïda, basé en Afghanistan et assez proche de Ben Laden. Et après le 11 septembre 2001, cela est devenu un gros problème.

La réaction des USA suite aux attentats du 11 septembre a été puissante, variée et pas toujours légale. Des interventions militaires en Afghanistan et en Irak, à l'adoption du fameux Patriot Act au Congrès. Et c'est ainsi que l'une des plus anciennes constitution du monde moderne a été testée.

Mais heureusement, malgré une volonté politique de répression maximale, il existe encore des bonnes âmes aux USA pour qui les garanties constitutionnelles ont encore une signification. Comme l'avocate Nancy Hollander (impeccable Jodie Foster), et sa collègue Teri Duncan. Et deux avocates ne sont pas de trop pour venir au secours de Slahi (excellent Tahar Rahim) enfermé à Guantanamo. Surtout qu'un procureur intrépide du nom de Couch (Benedict Cumberbatch plus américain que nature dans ce rôle) compte bien obtenir la peine de mort contre lui. Mais la peine de mort pour quel motif en fait ?

Depuis l'extraction de Slahi de Mauritanie jusqu'à son incarcération à Guantanamo, il n'a jamais fait l'objet d'un seul chef d'inculpation. Il n'a jamais été présenté à un juge et pourtant, il est privé de sa liberté. Et bien qu'il ait reçu un appel de son cousin passé du téléphone de Ben Laden, dans un Etat de droit, il s'agit d'une situation inacceptable. Et tout le débat porte là. Sur l'Habeas corpus, le droit d'être entendu par un juge lorsqu'on est accusé et que l'Etat veut nous incarcérer. Et comme le dit justement Nancy Hollander, il ne s'agit pas de défendre un terroriste mais de défendre les droits de tout un chacun. Et si ce n'était que la détention arbitraire, ce ne serait pas le pire. Il s'agit également du procès des méthodes d'interrogatoire et n'ayons pas peur des mots, de la torture.

Au fur et à mesure de la procédure, au travers des lettres de Slahi envoyées à son avocate, on découvre son expérience terrible à Guantanamo. La mise en scène de ces séquences a recours à un format d'image différent. L'écran devient carré et cela tend à davantage ressembler au documentaire que le format habituel rectangulaire. 

Enfin, à travers cette histoire, ce film met les USA (républicains et démocrates) en face de leurs responsabilités et contradictions. Comment justifier la détention de personnes pendant si longtemps sans procès ? Comment justifier des méthodes d'interrogatoire inadmissibles devant les juridictions de toute démocratie qui se respecte ? Garantir les droits de la défense, même aux personnes accusées de terrorisme, est la preuve que l'on est dans un pays régi par la loi. Il ne s'agit pas de défendre le terrorisme mais d'obéir à la loi. Ainsi, la question n'est pas de savoir si les accusés sont coupables ou non, mais de savoir si l'accusation peut le démontrer. Et c'est ici que le rôle du procureur Couch est passionnant, il doit soutenir l'accusation mais plus il en découvre et plus il prend conscience de l'ignominie de l'entreprise. Et il se souvient du serment qu'il a prêté à la constitution. Il se souvient aussi qu'il est chrétien (et les séquences de messe le rappellent sans cesse au spectateur).

Et dans cette période de défiance envers les gouvernements, comment ne pas donner raison aux détracteurs des grandes démocraties quand on voit qu'elles peuvent se comporter de la sorte, et bafouer elles-mêmes leurs propres principes fondamentaux ?

Désigné Coupable est un film intéressant pour qui aime le droit et la justice, mais pas que. Il permet aussi de s'interroger sur ce qu'est devenu notre société et notre contrat social. Servi par un casting exceptionnel, malgré une mise en scène assez conventionnelle, ce film marque. Car l'Etat de droit finit toujours par s'imposer.

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