Lux Æterna: Un art visuel
Le cinéma est avant tout un art visuel et Gaspar Noé semble ne jamais perdre cela de vue dans son œuvre. Et c’est sous ce prisme uniquement qu’il faut envisager son dernier film, Lux Aeterna. Il dure moins d’une heure, peut sembler déstructuré tant le scénario parait chaotique, tant le montage parait épileptique. Cependant, Noé sait parfaitement ce qu’il veut nous montrer. Non pas nous raconter mais bel et bien nous montrer. Parti pris radical.
Noé veut nous montrer une réalisatrice sombrer dans son processus créatif. Ce sera Béatrice Dale. Noé veut nous refaire la passion du christ mâtiné de bûcher de sorcière. Ce sera Charlotte Gainsbourg, souvent vue dans ce genre de rôles sacrificiels (Antichrist, Nymphomaniac).
Et ces deux éléments feront la substance de ce film si étrange. Noé veut nous montrer tellement de choses qu’il a souvent recours au split-screen. Mais c’est avant tout grâce à l’admirable photographie, cette caméra portée, que le réalisateur va jusque dans les recoins des ténèbres pour en révéler la lumière. On passe en revue tout ce qui peut tourner mal sur un tournage.
Présence de parasites, journalistes curieux, réalisateur en devenir qui racole des comédiennes. Producteur paniqué. Chef opérateur en guerre ouverte avec la réalisatrice. Comédiennes totalement perdues. Ce n’est pas beau à voir et c’est pourtant fascinant.
Néanmoins, de ce désordre formel, va naître une séquence psychédélique, épileptique. De ce chaos, va naître un plan sublime. Et c’est parce que c’est le bordel sur le plateau que visuellement, ce résultat inouï sera obtenu. Par le truchement d’une panne d’éclairage. Et de merveilleux choix musicaux. Tout le film ne devenant alors qu’un lent crescendo vers un plan. Un tableau. Fascinant. Troublant. Dérangeant. Mais en un mot : Beau.