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Publié par andika

En règle générale, l'Orchestre Philharmonique de Radio France ne fait pas le déplacement pour rien jusqu'à la Philharmonie de Paris. Cela s'est vérifié une fois de plus le vendredi 27 avril 2017 lors d'un concert où était au programme la Messe des morts de Hector Berlioz. La phalange de Radio France, exilée de la maison de la radio à cette occasion, était dirigée par son directeur musical, le finlandais Mikko Franck. Et pour le chant, pas moins que le Chœur de Radio France ainsi que celui de la WDR préparés par Nicolas Fink et enfin, John Irvin en ténor solo.

Le requiem est un incontournable de la musique sacrée. Beaucoup de compositeurs s'y sont frotté et il faut dire que la partition de Berlioz, issue d'une commande de l’État pour comémorer la révolution de 1830,  n'est pas la moins spectaculaire. En effet, il convoque un très large effectif orchestral. Il préconise un orchestre de cent cordes, dont dix-huit contrebasses, huit paires de timbales, quatre orchestres de cuivres répartis dans les quatre point cardinaux de la salle, sachant que le son d'une seule trompette est suffisant pour recouvrir tout un orchestre. Enfin, il ne faut pas oublier les deux chœurs et le ténor qui vient chanter le Sanctus ! De quoi ressortir de la salle avec des problèmes auditifs. Toutefois, la nomenclature n'a pas été scrupuleusement respectée, seulement huit contrebasses, bien moins de cuivres disséminés mais tout de même deux chœurs, malgré cela, l'impression laissée par la musique était loin d'être altérée.

La démesure et la théâtralité inhérentes à cette œuvre ont été respectées. A lire des choses au sujet de Berlioz, à lire ses propres mots, on découvre une personnalité assez exubérante, qui s'exprime notamment dans sa Symphonie fantastique, mais ici, cela va encore plus loin lors du fameux Tuba mirum. Cette trompette amenant la stupeur, il la fait parler avec un éloquence rare. Dans la grande salle de la philharmonie, l'effet est garanti. On ne sait pas d'où le son vient, les cuivres sont déchaînés mais il n'y a aucune saturation, la musique pénètre simplement les têtes, fait vibrer les corps. On observe le chef agiter les bras, en tournant le dos à son orchestre et en regardant l'arrière du parterre pour un frisson garanti. Ces cuivres surnuméraires s'expriment également dans le Lacrymosa et le Hostias. La spatialisation des instruments est très efficace, l'effet produit est une grande réussite. Le son est tellement puissant qu'on a du mal à croire qu'on pourrait ajouter encore davantage de cuivres.

Autre caractéristique particulière de la soirée, une très nette prépondérance des voix. En effet, l'effectif orchestral n'étant pas au complet, les voix étaient exposées.Une belle projection, une diction exquise, des graves profonds mais surtout des sopranos poignantes qui, lorsqu'elles chantaient forte faisaient tout autant trembler que les cuivres, et ce à plusieurs reprises, comme par exemple dans le Kyrie, le Dies Irae, le Quaerens Me. Des phrases scandées qui faisaient trembler telles Voca Me, Salva Me dans le Confutatis. Et surtout, des passages a cappella étourdissants, tels une fois de plus le Quaerens Me, et spécialement l'Offertorium. Enfin, le ténor John Irving qui n'intervient que lors du Sanctus, son timbre était bien grave pour un ténor, peu de couleur, un peu froid, mais cela s'adapte bien à la musique sacrée. En outre, quel dialogue avec les sopranos, une vraie cohérence et vu que ce dernier a remplacé Michael Spyres au dernier moment, il convient ici de souligner le travail effectué.

Le pendant logique de cette mise en avant des voix est le relatif retrait de l'orchestre. Bien souvent, il se borne à accompagner. Mais en tendant l'oreille, on entend des merveilles d'orchestration. Des choses sublimes qui montrent que Berlioz n'est pas seulement fou mais qu'il est surtout génial. L'inquiétude qui sort des cordes basses lors du Dies Irae, puis le dialogue entre les bois et les sopranos, le solo de cor anglais du Quid sum miser, les sortes de chromatismes aux cors qui ponctuent le Requiem et l'Agnus dei, la subtilité de l'accompagnement aux cordes et aux bois lors du Lacrymosa. L'orchestre parvient à exister sans difficulté dans ce rôle et à être tout à fait audible en offrant tous ses charmes.

La direction de Mikko Franck ménageait tous les équilibres tout en s'ingéniant à mettre en valeur ce qui méritait de l'être. Alors, oui, cela a pu parfois manquer de muscles mais ça n'enlève rien à la forte impression que l'ensemble laissera au mélomane en attente de sensations fortes qui s'était égaré à la philharmonie ce soir là. Car oui, même s'il y a beaucoup de théâtralité, on ne peut pas nier qu'il y a également de la poésie, du recueillement, des silences bien habités.On tremble, on pleure et on comprend pourquoi il faut absolument venir au concert devant un tel monument qui n'a de sens que lorsqu'il est vécu dans sa chair.

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