Au cœur de l'orchestre
Cette année, à l'occasion des journées européennes du patrimoine, je me suis rendu à la maison de la radio le samedi 17 septembre afin d'assister à une répétition publique de l'orchestre philharmonique de Radio France, qui préparait pour le concert du 23 septembre une interprétation de la Symphonie Titan de Gustave Mahler. L'orchestre était dirigé par son directeur musical, à savoir le chef finlandais Mikko Franck.
Je suis un fan réent de Mahler, pendant longtemps, je n'ai pas osé y entrer mais depuis que j'ai écouté la Totenfeier en concert l'année dernière, je suis vraiment devenu un converti. Sa musique est riche, belle, profondément humaine et parlante et elle nous touche au plus profond du cœur. Ses deux premières symphonies sont d'ailleurs mes favorites chez ce compositeur et font bien la synthèse de ce qu'il est.
Sa première symphonie, surnommée Titan est surtout connue pour le scandale qu'elle avait provoqué lors de sa création, à cause de son troisième mouvement qui s'amusait à bousculer certains codes. Une contrebasse solo reprend en effet le thème de Frère Jacques en mode mineur, de manière enfantine, mais cette contrebasse joue dans le registre du violoncelle, cela crée un certain malaise qui est voulu puis le hautbois vient reprendre le thème et l'agrémente de petites facéties un brin moqueuses avant que le tutti ne vienne. A la suite se cela, presque sans transition, Mahler nous livre une danse juive, et c'est cette danse un peu folklorique qui n'est pas passée. En effet, à l'époque, on n'allait pas au concert pour entendre des danses populaires ! Pourtant, cela ne choque plus l'oreille de nos jours. Ce troisième mouvement est bien entendu teinté d'ironie, qui est omniprésente chez ce compositeur mais il est également d'une profondeur et d'une sensibilité rare.
Je suis allé à cette répétition justement pour entendre ce passage, je n'en n'ai pas eu une seule note ! Je dois bien avouer que c'était un peu frustrant mais compréhensible. Ce n'était pas un concert mais une séance de travail. Le chef n'était là que pour bosser des passages particuliers, mettre l'accent sur des choses qui lui importent dans la partition. Par conséquent, l'ensemble de l’œuvre est loin d'avoir été joué entièrement, on a eu presque la moitié et c'est déjà pas mal. Mais c'était tout de même une expérience fascinante qui m'a enrichi. D'une part, j'ai ressenti immédiatement que le chef savait parfaitement ce qu'il voulait. Malheureusement, je n'entendais pas bien ce qu'il disait, étant un peu loin de la scène mais je me souviens bien d'un passage qu'il a fait reprendre aux premiers violons, il leur demandait de jouer en souriant, que le passage devait faire sourire. Mikko Franck est d'ailleurs violoniste, on sentait une complicité évidente avec ce pupitre. Il s'exprimait en anglais et le premier violon servait parfois de messager pour les autres musiciens. Autre instant fascinant, c'est lorsque le chef a fait jouer les seconds violons tout seul. Le son sorti n'avait ni queue, ni tête. Oui, les seconds violons ont une fonction de support principalement, mais c'était bien drôle de les entendre nus. Il ne faisait jamais reprendre un passage plus de trois fois, évitant ainsi de susciter la lassitude des musiciens.
On sentait vraiment la différence entre avant et après l'intervention du chef, c'était très intéressant. La répétition a duré près d'une heure et le chef nous a dit à la fin que deux ou trois autres séances seraient nécessaires afin qu'ils soient prêts pour le concert.
En tout cas, cette répétition a répondu à mes attentes et était conforme à ce que j'avais pu lire auparavant à ce propos.
Voici le Titan en entier, avec un Abbado habité !