Concert Londonien
Je reviens un peu à l'écriture pour graver un souvenir qui me tient à cœur. L'occasion de se poser un peu se présente enfin pour moi, aujourd'hui, dans un parc, avec le concerto pour piano n°3 de Rachmaninov qui sort de mes écouteurs et atteint directement mon cœur.
Remontons les pendules de deux mois, voulez-vous?
En ce jour de juin 2014, le 12 précisément, il y avait deux choses cochées dans mon agenda. Le match d'ouverture de la coupe du monde, bien entendu, je connaissais cette date depuis des années. Le second événement qui me tenait à cœur était un concert à Londres, du chef d'orchestre Paavo Jarvi avec un programme résolument russophone, en effet, étaient prévus Glinka, Rachmaninov et enfin Chostakovitch.
Ça faisait des mois également que j'étais au courant pour ce concert sauf que je me suis rendu compte qu'il tombait pendant le match d'ouverture lorsque je me suis engagé à y aller auprès de mon cher RTT.
Ah ce cher RTT! Tout le monde aime les RTT et il se trouve que RTT l'un de mes meilleurs amis, cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu, je n'allais donc pas laisser un pauvre match de foot m'empêcher de le retrouver après trois longues années. Avec le recul, je n'ai aucun regret. J'ai tellement appris de RTT et c'est toujours stimulant de le fréquenter.
Donc lorsqu'il m'a parlé quelques mois avant, de la possibilité d'assister au concert, j'avais répondu que ce serait possible sous réserve que je n'aille pas aux rattrapages. Et rattrapage il n'y a pas eu pour moi, une grande première. Ainsi, dès mes résultats connus, j'étais tout heureux de lui confirmer ma venue!
Me voici donc dans l'eurostar pour la première fois depuis plus de 10 ans. J'ai d'ailleurs gardé un meilleur souvenir de Londres lors de ce séjour. Entre les oies de Hyde Park, la beauté architecturale de l'Albert Hall, l'immensité du Mall, la ferveur de Traffalgar square tout de jaune vêtu, un petit saut à Downing Street qui m'a fait mieux comprendre les images que j'en voyais à la télévision, le temps d'apercevoir le palais de justice de Londres et bien entendu, squatter le deuxième étage de ces fameux bus à impériale. Tel Jack Bauer, j'y suis resté 24h, c'était tout aussi intense mais bien moins dramatique!
Après ces prolégomènes, il me faut maintenant parler de ce fameux concert! Je n'ai pas l'habitude d'aller voir des concerts de musique classique, tout au plus, il m'est souvent arrivé de me trouver dans une chapelle ou dans une église pour des petits concerts mais jamais je n'avais vu évoluer des artistes internationaux de ce monde. Mais heureusement, j'en connaissais déjà tous les codes. Le silence absolu, les applaudissements uniquement à la fin des œuvres et non à la fin d'une partie et aussi le plus triste pour moi, la totale impossibilité de faire usage de son téléphone ou d'un appareil photo tout le long du concert. Impossible de s'y soustraire, les gens autour son beaucoup trop sages pour essayer de transgresser cette règle.
Alors à partir du moment où j'étais au milieu de cette salle, au premier rang, juste derrière le chef et devant les violoncellistes qui se trouvaient à ma droite, je me suis concentré pour ne rien oublier de cette soirée.
Comme je l'ai dit plus haut, trois compositeurs étaient au programme. Glinka, Rachmaninov et enfin Chostakovitch (5ème symphonie). Je ne connaissais pas Glinka avant ce concert, un petit tour sur Google m'a permis de connaître sa nationalité et d'être certain que c'était une soirée 100% musique russe. En revanche, je connaissais bien mieux les deux autres compositeurs. Tout d'abord, Rachmaninov ! Il y a tant à dire sur lui. Je suis venu assez tardivement à Rachmaninov pour dire vrai. A l'adolescence, je ne jurais que par Beethoven, Mozart, Chopin puis Liszt. Je ne connaissais personne qui jouait du Rachmaninov dans mon entourage, ses œuvres n'attiraient pas ma curiosité. Je savais seulement de lui que ses partitions étaient atrocement difficiles à jouer avec des accords tous plus imposants les uns que les autres. J'ai vraiment commencé à m'intéresser à lui grâce à un mail que ma mère a reçu à propos d'un duo comique musical qui jouait justement un prélude de Rachmaninov en do# mineur. Je me suis rapidement procuré la partition afin de constater par moi même à quel point jouer cette œuvre s'avérait compliqué. Mais le moment où j'ai vraiment commencé à aimer Rachmaninov, c'est lorsque j'ai récupéré son concerto pour piano n°3 en ré mineur dans l'ordinateur de RTT. Je l'ai écouté puis je l'ai écouté de plus en plus jusqu'à tout à fait l'aimer, définitivement, pour la vie. C'est une œuvre que je peux aisément écouter trois fois de suites. Une œuvre dont je ne me lasse jamais des anecdotes, une œuvre si profonde et belle que je suis saisi d'une émotion particulière à chaque fois que je l'écoute. Ce qui est drôle avec ce concerto, c'est que son thème initial est d'une simplicité incroyable qui prend totalement le contre-pied de ce que j'avais toujours pensé de Rachmaninov. Une mélodie simple, entraînante, enivrante et douce. Ça change des accords horribles qui requièrent bien souvent plus de doigts que comportent les deux mains que nous avons. J'étais donc très excité à l'idée d'entendre cette œuvre jouée en direct devant mes yeux. Enfin, Chostakovitch, je le connaissais surtout grâce à André Rieu et les nombreuses publicités qui reprenaient sa valse. Je me suis d'ailleurs endormi à l'écoute de sa cinquième symphonie qui était jouée ce soir la (edit: Sacrilège, en 2018 je regrette !). En revanche, j'avais beaucoup aimé l'ouverture de Glinka mais j'en ai oublié totalement la mélodie aujourd'hui. On ne va pas se mentir, le seul qui comptait pour moi ce soir là, c'était Rachmaninov.
Ce concerto pour piano n°3, je le classe en tête des œuvres de Rachmaninov, suivi de près par son concerto pour piano n°2, dont, soit dit en passant, tout le monde connait le deuxième mouvement maintenant, grâce à une chanson de Céline Dion, All By Myself il me semble. C'est vraiment serré dans mon esprit, j'aime beaucoup le deuxième concerto surtout pour son aspect symbolique, notamment sur la résilience car il faut savoir que Rachmaninov traversait une grande période de dépression pendant la composition de cette oeuvre qu'il a même dédié par la suite à son psy. De plus, le ton du deuxième concerto ( do mineur ) est un de mes favoris.
Mais le troisième, je le préfère, il est plus virtuose, plus mélodique, plus beau et spectaculaire. Sa tonalité enfin, le ré mineur me touche bien plus, sur tous les concertos pour piano que je connais, 3 de mes préférés sont en ré mineur! Le troisième de Rachmaninov bien entendu, le premier de Brahms et surtout le vingtième de Mozart qui n'est pas loin d'être mon concerto pour piano favori.
Le fait d'assister au concert change tout. Je m'en suis très rapidement aperçu. Il faut être super concentré, on ne peut pas revenir en arrière. Bien entendu, il y a le bruit de la salle qui peut parfois être dérangeant, je me souviens d'une voisine qui était à ma gauche et qui s'est mise à tousser pendant de longue minutes... Enfin, la position que l'on a dans la salle est déterminante. Comme je l'ai dit, je me trouvais au premier rang, juste derrière le chef et à proximité des violoncelles et du soliste. Eh bien je peux vous dire que je les ai bien entendu ces violoncelles. C'est un instrument d'une importance considérable et je n'en avais pas toujours conscience. Il se retrouve de nombreuses fois à jouer le thème, à répondre au soliste, c'était très intéressant de se trouver près de cet instrument. J'ai entendu des choses que je n'aurais jamais entendues ailleurs.
Le premier mouvement commence doucement pour monter, monter. Le fait d'être à côté du piano fait qu'on l'entend très bien voir même trop mais ça s'équilibre au bout d'un moment, on prend l'habitude. Il y a eu à un moment une cadence que je ne connaissais pas. C'est fou les cadences, c'est toujours des moments où on est surpris.
Le deuxième mouvement, intermezzo est un grand moment de quiétude et de méditation, c'était impressionnant à vivre
J'ai également aimé le soliste, Kirill Gerstein, qui brillait de plus en plus à mesure que le morceau avançait, ainsi le final est brillant dans un vrai dialogue entre le soliste et l'orchestre. Il y a même un instant où tous les instruments à cordes font des percussion en tapant les cordes avec les archets, c'était grandiose.
Enfin, il est amusant de se pencher sur le contexte de cette oeuvre. En effet, Rachmaninov l'avait composée pour une tournée américaine, il avait fait un triomphe avec mais elle était tellement difficile qu'il était incapable de revenir pour un rappel ensuite. Je guettais ce qu'allait nous faire notre pianiste du soir, je n'ai pas été déçu. Il est revenu jouer mais que de la main gauche!