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Publié par andika

Juraj Valčuha est un chef d'orchestre d'origine slovaque ayant bénéficié de l'enseignement d'Ilya Musin à Saint Petersbourg. Très actif en Italie, ce dernier est néanmoins régulièrement invité en France, notamment pour diriger l'Orchestre National de France, comme l'année dernière dans une mémorable et terrifiante Symphonie n°8 De Dmitri Chostakovitch. Et il a encore été question de Chostakovitch lors du concert de l'Orchestre national de France du jeudi 19 octobre 2023 avec son Concerto pour violoncelle n°1, interprété par Pedro Fernadez. En deuxième partie, la Symphonie n°3 de Serge Rachmaninov, afin de conclure une soirée au répertoire 100% russe, dans lequel le chef, Juraj Valčuha, semble être très à l'aise.

Pablo Ferndandez sur le poster du concert

Lors de l'avant concert au foyer F de la Maison de la Radio, on rencontre un Pablo Fernadez assez timide et réservé. Cependant, lors de son interview en espagnol avec Saskia Deville, journaliste à France Musique, ce dernier se livre un peu. Notamment sur le fait qu'il a hérité du prénom Pablo en hommage à son compatriote espagnol et violoncelliste Pablo Casals. Et qu'il a commencé à jouer du violoncelle à l'âge de trois ans ! Et sa personnalité se retrouve dans son jeu. Et cela tombe bien tant la musique de Chostakovitch dans son premier concerto pour violoncelle n'est pas exubérante. Dédiée à Rotropovitch, cette partition exige sobriété et rigueur . Et c'est exactement l'approche de Pablo Fernandez dans le début du premier mouvement noté Allegretto, où il expose le thème léger et insouciant de façon très épurée. Le son de son violoncelle est pur, propre, sans affectation aucune, son discours est clair. Une interprétation faite d'ascèse et de précision. Juraj Valčuha obtient de son côté du National un son tout aussi sobre, avec un pupitre de cordes, sec, propre, sans écart, sans superflu et laisse les couleurs et l'énergie aux seuls vents. Enfin, l'aspect rythmique de ce mouvement n'est pas martelé. Les cordes deviennent en revanche plus charnues et moelleuses dans le Moderato, tandis que le soliste reste toujours aussi sobre, même dans la cantabile de ce mouvement. Soliste et chef refusent tout affect, toute emphase et privilégient la clarté du discours musical, sans jamais s'épancher ni déborder. Ainsi, l'usage du vibrato demeure optionnel. Et Pablo Fernandez maintient cette approche dans la cadence, même s'il y ajoute du vibrato. Beaucoup de douceur dans a manière de manier l'archet. On retient son souffle grâce au son du seul violoncelle. Les silences sont habités et le temps et quelque peu suspendu, avant un dernier mouvement endiablé, vigoureux. Juraj Valčuha obtient un son âpre et acide de l'orchestre où la flûte et le picolo s'en donnent à coeur joie. Le thème du I revient de façon déstructurée pour conclure une oeuvre cyclique de la plus belle des manière. Le soliste quant à lui, se déride en emboite le pas de l'orchestre. Une interprétation sérieuse, rigoureuse et authentique.

Juraj Valčuha et Pablo Fernadez lors des répétitions (©Radio France)

Après l'entracte, la Symphonie n°3 de Rachmaninov. Composée durant son exil hors de la Russie entre 1935 et 1936, il s'agit ici de son avant dernière oeuvre avant les Danses Symphoniques. La troisième symphonie dispose d'un très vaste effectif, et c'est un Orchestre National de France au grand complet qu'on retrouve sur la scène de l'auditorium de Radio France, avec des percussions abondantes. Mais le nombre n'effraie pas Juraj Valčuha, bien au contraire. Très rigoureux, il ne manque jamais de donner un départ à un pupitre. Ses gestes élégants et amples emportent les musiciens avec lui. Ce chef est constamment précis, cela s'entend dans l'articulation méticuleuse du phrasé où, dans le premier mouvement, Lento-Allegro moderato, le tutti est immédiatement brillant. Après les quatre mesures introductives du lento, la partie allegro commence de façon équilibrée et dense. Le fortissimo soudain sonne admirablement, et le premier thème d'inspiration russe permet de faire entendre les belles couleurs des bois. Le second thème, assez lyrique, permet des épanchements contrôlés aux violoncelles et au basson, plein de romantisme élégiaque. Ce mouvement, plein de syncopes permet d'entendre à quel point le chef maîtrise son sujet, et parvient à maintenir constamment la tension. Tension qui retombe naturellement dans l'Adagio où les cordes deviennent moelleuses, et où on profite d'un merveilleux solo de clarinette basse. Mais surprise, la partie centrale de cet adagio est notée Allegro vivace. Le dialogue entre les vents et les cordes avec des effets orchestraux saisissants, captive. Dans ce scherzo dru, énerigque et rythmé, le chef crée une tension omniprésente, donne tous les départ et maintient le fil de son discours musical qui cherche une certaine pureté du son, tout en en faisant entendre le plus possible. Le dernier mouvement, Allegro, voit revenir le thème cyclique du premier mouvement. Le passage fugato est géré à le perfection, avec une polyphonie limpide. Mais pour une fois, il ne s'agit pas que des oreilles. Les yeux aussi se régalent à admirer Juraj Valčuha diriger. Très grand de taille, avec une stature imposante et un charisme qu'il n'a pas à forcer, ses gestes sont amples, précis, pragmatiques tout en étant simplement beaux à regarder. Les choses semblent simples avec lui et pourtant, cette troisième de Rachmaninov ne manque pas de diffcultés. Les musiciens du National ne s'y trompant d'ailleurs pas en félicitant chaleureusement le chef à l'issue de l'oeuvre, et refusant même de se lever pour lui rendre hommage. Et enfin, qu'il est plaisant de l'entendre dans une oeuvre un peu plus joyeuse que la Symphonie n°8 de Chostakovitch. Excellent concert !

Concert diffusé sur France Musique le jeudi 26 octobre 2023 à 20h.

Programme du concert du 19/10/2023 à Radio France
DMITRI CHOSTAKOVITCH
Concerto pour violoncelle n°1 en mi bémol majeur, op. 107

SERGUEÏ RACHMANINOV 
Symphonie n°3 en la mineur, op. 44

PABLO FERRÁNDEZ violoncelle
ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE
JURAJ VALČUHA direction

 

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