Nous sommes Olympes de Gouges
En 2022, beaucoup de choses ont été conquises en terme de droits, beaucoup de choses nous sembles acquises qui pourtant, étaient loin d'être évidentes il y a un peu plus de deux siècles. Nous replonger dans le passé nous permet parfois de prendre conscience de certaines choses. De savoir d'où nous venons afin de mieux savoir où l'on va. Et le théâtre est un véhicule approprié pour ce genre de voyage. C'est ce que propose la Compagnie Cyclone avec sa nouvelle pièce, Olympe, une vie d’Amours et de Combats, au théâtre Odyssée de Levallois. A travers la figure historique d'Olympe de Gouges, le texte de Philippe Penguy nous présente sa personnalité riche, à l'aide de plusieurs comédiennes, à différentes époques de sa vie. Tout d'abord la jeune Marie, de Montauban, puis Olympe dans le couloir de la mort à la fin de sa vie dans sa geôle parisienne. Mais également, une Olympe contemporaine, dans le public, sorte de témoin de l'apport dans l'histoire française de la figure d'Olympe de Gouges.
Convictions plurielles
Il est difficile d'imaginer un théâtre qui ne serait pas engagé. Car dans ce cas, nous serions devant un théâtre qui n'aurait rien à dire. Or, dans notre monde, il y a beaucoup de choses à dire. C'est même la base d'une société démocratique fondée sur la liberté d'expression. Ce qu'était improprement la France sous le régime de la Terreur en 1793. La peine de mort s'y appliquait pour de simples délits d'opinion. Saint-Just avait prononcé la phrase terrible: "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté."
Quel cruel contresens alors que Olympe de Gouges ait terminée guillotinée. Car on ne pouvait pas trouver de meilleure amie de la liberté que cette femme à cette époque. Bien que sa figure soit de plus en plus connue en France, beaucoup ignorent encore qui elle est. Et quand bien même on connaitrait son nom, certains éléments de sa biographie mériteraient d'être mis en avant. Marie Gouze de son vrai nom, est mariée à 16 ans, veuve à 19 ans, et ne voudra plus jamais se remettre dans le carcan du mariage. Au contraire, elle vivra ses histoires d'amour librement, au gré de ses envies et en faisan fi des conventions. Un signe indéniable de liberté pour l'époque (et encore aujourd'hui quand on est une femme). Olympe de Gouges à Paris, s'engagea fortement pour l'abolition de l'esclavage. Elle se lia notamment d'amitié avec le Chevalier de Saint-George, éminent compositeur noir de l'époque. Quel meilleur signe d'attachement à la liberté que le désir d'émancipation des esclaves ? Enfin, Olympe de Gouges, par sa Déclaration de la femme et de la citoyenne, prônait également une émancipation des femmes d'un patriarcat qui était à l'époque autrement plus sérieux qu'aujourd'hui en France. En réclament simplement l'égalité des droits. Qui ne sera pleinement acquise que plus de 150 ans après. Le texte de cette pièce rend un hommage formidable aux combats de cette femme remarquable.
Un spectacle vivant
Comme l'écrit l'auteur dans sa note d'intention et mise en scène: "C’est au théâtre que l’on peut voyager le mieux avec rien." Et quel voyage ! A travers le temps tout d'abord, avec une Olympe jeune, pleine de vie et justement de théâtre. Du théâtre dont elle s'enivre à Montauban. Du théâtre qu'elle lit et qu'elle écrit. Du théâtre qu'elle aime profondément (ainsi que les comédiens). De sorte que oui, en faire un personnage de théâtre était l'évidence même, et que la mise en abîme fonctionne merveilleusement bien. Spectacle vivant aussi par la diversité des séquences. Le chant n'est jamais loin, permettant d'exploiter les divers talents des comédiennes et des comédiens qui ont de très belles voix. Le spectacle vit également par ses nombreux flash-back qui dynamisent la mise en scène (le récit du voyage vers Paris notamment). Vivant aussi par le fait de placer initialement la Olympe contemporaine directement dans le public, à côté des spectateurs. Servant ainsi de témoin pour notre société contemporaine devant ce destin tragique. Une idée de narration et de mise en scène très intéressante.
Un sujet contemporain
Aller à la fin du XVIIIème siècle afin de parler d'aujourd'hui peut sembler être une idée saugrenue mais elle est au contraire on ne peut plus appropriée. Tous les fragments de la vie d'Olympe de Gouges rassemblés dans cette pièce ont un écho particulier avec notre époque. Surtout en période électorale comme aujourd'hui. La pièce nous rappelle donc que le droit de vote pour les femmes n'a pas toujours été une évidence et que par conséquent, il ne faut jamais en minorer l'importance. Ce que l'on croit acquis un jour peut rapidement être remis en question. Cette pièce nous rappelle également que même si les choses ont avancé en France, ce n'est pas forcément le cas partout dans le monde. Et c'est pour cela qu'il est important de marteler le message de l'égalité et de la liberté. Chez nous, ce dernier peut parfois sembler redondant, peu subtile, répétitif. Mais d'un autre côté, depuis la Révolution de 1789 justement, le monde entier observe la France, avec une sorte d'espérance, comme étant le phare des libertés. Et ce qui est à même de rayonner et de nous rendre fier, ce n'est pas la Terreur, ce n'est pas la guillotine. Au contraire, c'est la figure d'Olympe de Gouges qui a eu raison avant l'heure et qui honore ainsi le véritable esprit de la Révolution.
Texte et mise en scène Philippe Penguy. Distribution :Gora Diakhaté, Pablo Gallego, Hélène Hardouin, Emilie Jourdan, Clara Schmidt, Tewfik Snoussi, Agnès Valentin. Régie générale : Vincent Tudoce. Costumes : Marie-Hélène Repetto. Photos : Peggy Riess et Noisy Image. Production Cie Cyclone. Avec le soutien des villes de Noisy-le-Grand, Levallois, Gonesse et S.N.A (Seine Normandie Agglomération). |