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Publié par andika

Qu'il est bon de retourner au cinéma et qu'il est bon d'avoir l'opportunité de voir un classique de 40 ans sur grand écran. Avec la réouverture des salles est venue une sortie inattendue. Le chef d’œuvre de David Lynch, Elephant Man, a fait son retour sur grand écran dans une version restaurée.

Et comme les choses sont bien faites, ce film fait un écho gigantesque à l'actualité, notamment avec la dimension mondiale qu'a pris le mouvement Black lives matter. Ce mouvement lutte contre les violences policières envers les afro américains et plus largement contre toute forme de racisme et de discrimination (il y a d'autres revendications mais elles tombent rapidement dans quelque chose de moins présentable).

Et bien Elephant Man est le meilleur message possible qui soit contre l'intolérance, l'exclusion, la violence et tout simplement le fait de ne pas reconnaitre son interlocuteur comme un frère en humanité pour la seule et unique raison qu'il est différent.

Elephant Man est l'histoire d'un freak exposé comme un animal dans des fêtes foraines. Présenter l'histoire de la sorte est une façon d'envisager le personnage d'Elephant Man comme non humain et comme une bête de foire qu'on vient observer. Pour être plus juste, il faut dire que Elephant Man est l'histoire d'un homme qui s'appelle John Merrick. En formulant la chose ainsi, on rend déjà toute son humanité à ce personnage.

Un personnage qui devient acteur, qui est scruté malgré lui parce qu'il est différent. Scruté à la fête foraine, à la faculté de médecine, à la gare, au théâtre lorsqu'il fait partie du public. Et lorsqu'il est observé, on lui dénie un peu de son humanité. En revanche, lorsqu'il est lui-même spectateur, il retrouve sa position d'homme. En observant le clocher d'une église. En étant ému par une pièce de théâtre. En lisant Shakespeare.

Elephant Man révèle aussi quelque chose de consubstantiel à l'humanité, à savoir sa laideur. Une espèce capable de faire des guerres meurtrières, de perpétrer des génocides et des crimes de masse, a forcément une certaine laideur. Et la différence de John agit comme un miroir qui va révéler la laideur de chacun qui le rencontrera. Certains vont simplement vouloir exploiter sa différence. D'autres voudront essayer de la comprendre, et s'interroger sur leurs propres motivations dans le processus (le Dr Treves, superbe Anthony Hopkins). Enfin, certains n'y prêteront tout simplement pas attention. Et plus la différence de John sera intégrée, et plus la beauté qui existe sera dévoilée.

Ainsi, John se trouve être un homme très élégant, raffiné, sensible et doux. Et chaque marque d'amour à son égard occasionnera une tendresse infinie de son côté. Son bonheur résidant seulement dans le fait de se sentir aimé. Et tout cela doit beaucoup à la sublime performance de John Hurt qui, même maquillé, fait passer une humanité infinie, par ses larmes, par sa voix, par ses gestes. Et tous les autres comédiens deviennent alors les vecteurs d'une émotion dévastatrice qui réveillera en nous toute notre humanité, notre tolérance et osons l'espérer, ce qu'il y a de plus beau en nous. La vie humaine compte, quelle que soit sa forme, sa couleur, son apparence. Et refuser de voir en un humain un frère parce qu'il ne nous ressemble pas, est la preuve absolue d'une cruauté sans limite.

Dans une mise en scène classique, avec un noir et blanc noble, David Lynch entre dans nos têtes avec les bizarreries qu'il affectionne (le symbolisme sur l'éléphant et la mère), mais crée surtout une émotion à nulle autre pareille.

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