La Quai épisodes 1 et 2: Un théâtre initiatique
Le Théâtre est un média fascinant. Il requiert peu de moyens mais une imagination sans faille. Inspiration pour le texte, support naturel de l’œuvre théâtrale. Créativité aussi de la mise en scène. Il n'y a pas besoin d'une logistique trop lourde, simplement, il est nécessaire d'avoir de bonnes idées.
C'est définitivement le cas de cette pièce, intitulée Le Quai, vue au théâtre 13 de Paris lundi 15 octobre 2018, écrite par Déborah Banoun et Anne Seiller. Le Quai c'est l'histoire de Florence, élevée par sa grand-mère depuis la mort tragique de ses parents et façonnée par l'exemple de son père avocat. Étudiante brillante en droit constitutionnel, elle est promise à un bel avenir. Poussée par son ambition, elle imagine mettre son métier au service d'un idéal de justice.
Et pourtant, rien ne va aller dans son sens. Il s'agit d'une pièce sur la vie d’aujourd’hui en France, inspirée notamment du récit de la journaliste Florence Aubenas, intitulé Le quai de Ouistreham. Livre qui avait fait grand bruit à l'époque de part l'immersion de cette journaliste parisienne dans ce qu'on appelle communément le quart-monde.
Ici, l’héroïne s'appelle également Florence mais elle n'est nullement journaliste. Un peu monomaniaque, tête à claque, elle pense toujours avoir raison et ne sait pas trop écouter ses interlocuteurs. Trop sure d'elle même et des qualités qu'elle se prête, sa vie va se retrouver chamboulée suite au décès de sa grand mère qui semble ne lui avoir rien légué.
A partir de ce moment, fini les rêves de carrière juridique (sachant que le droit constitutionnel ne mène pas forcément à grand chose), fini la vie parisienne, les cafés, Assas, le stage programmé en Israël. Au contraire, bonjour la Normandie et les problématiques locales, la nécessité de subvenir à ses besoins toute seule. La force de cette pièce est de parler de l'actualité, sans concession avec un regard très acéré et un humour toujours pertinent qui permet de dénoncer les absurdités auxquelles sont constamment confrontés les gens. Évidemment, la thématique du chômage endémique de certains coins de France fait surface ici et est traitée avec justesse. Mais au lieu de simplement le dénoncer, ce thème est exposé à travers le parcours d'une personne qui se retrouve dans cette situation sans y être préparée. En effet, Florence, à part ses études n'a jamais travaillé. Elle a laissé ses amies d'enfance en Normandie tandis qu'elle allait étudier le droit à Paris. D'où une rencontre avec une amie d'enfance au pôle emploi, où l'on voit que l'évolution de deux personnes qui ont grandi ensemble peut aller dans des directions totalement opposées. Plus Florence rencontre de problèmes, moins elle a de certitudes et plus elle gagne en humanité. Ainsi par exemple, une scène terrible au pôle emploi ou les comédiens forment une sorte de chaîne et ne font que se succéder pour s'entendre dire les mêmes nouvelles déplaisantes à savoir toute sorte d'informations sauf une véritable proposition d'emploi. La dynamique des mouvements des acteurs confère à la scène un caractère industriel. Très bel effet qui montre à quel point on peut déshumaniser les gens. Autre scène, celle d'une formation à l'emploi où l'on apprend aux personnels de ménage de toujours dire bonjour avec le sourire, surtout lorsqu'on est ignoré. Scènes de la vie quotidienne des petites gens en recherche d'emploi, mais aussi, scènes glaçantes, notamment lorsque notre pauvre Florence se rend à un entretien d'embauche très particulier qui se termine par des propositions indécentes qui rappellent le mouvement #MeToo
Le plateau est épuré et pourtant, il s'y passe continuellement des choses grâce au dynamisme des acteurs et aux transitions musicales peuplées de Mozart, Vivaldi et autres.
Grâce à tous ces ingrédients, on rit, souvent, on réfléchit, beaucoup et on attend la suite avec impatience sachant qu'il reste encore trois épisodes à voir !
J’ai vraiment apprécié ! Vivement la suite ! pic.twitter.com/zvONdRV1jA
— Andika 🇫🇷⭐️⭐️ (@Nyantho) 15 octobre 2018