Detroit: Une nuit en enfer
Detroit est un film étonnant. Étonnement tout d'abord devant cette séquence d'ouverture en dessin animé qui nous fait nous demander si nous ne nous sommes pas trompés de salle. Étonnement également quant à sa réalisation qui tend davantage vers le documentaire que la fiction tant l'usage des plans serrés sur les visages est utilisé. Étonnement surtout devant le drame humain qu'il dépeint.
On connait les Etats-Unis, l'histoire de ce pays, ses divisions, ses turpitudes, Trump. Mais se plonger devant une telle séquence, dans les années 1960, permet de mieux comprendre les ressors de ce pays. Kathryn Bigelow nous offre un constat clinique sur la société américaine, sans concession. Mais plus que les images, ou les répliques des personnages, ce sont les paroles des chansons que l'on entend qui sont le plus éloquentes. On entend à un moment un des personnages chanter "If I haven't got love, I've got nothing." Cette parole est un écho aux personnages de policiers racistes. Mais elle est aussi un écho aux personnages de policiers soucieux de protéger la population et de secourir ses concitoyens comme le montre une scène magnifique où un policer secourt un jeune noir en le traitant simplement comme un humain. Sans l'amour, point d'humanité. Sans l'amour de son prochain, sans le reconnaitre comme étant son frère en humanité, qu'a t-on dans la vie si ce n'est du ressentiment et de la haine ?
Autre parole prophétique entendue dans une chanson lors du générique de fin, "It ain't fair." Car oui, Detroit est aussi l'histoire d'une grande injustice. Injustice nichée dans une nuit d'hôtel au milieu de la violence et des humiliations. Injustice institutionnalisée devant la farce de justice où les droits civiques servent à assurer l'impunité des oppresseurs et nullement à protéger les opprimés.
Toutes les questions d'exclusion et d'inégalité sont liées. Il n'y a pas forcément une seule façon de les gérer, de les combattre. La compromission marche difficilement. La radicalité a des conséquences terribles. Alors que faire, comment résister, comment dénoncer lorsque les dés sont pipés ? Il semble que la réponse soit l'humanité, toute l'humanité, rien que l'humanité. Aimer inlassablement, malgré l'injustice, malgré la colère.
C'est la leçon de ce film, il convient de garder son humanité.