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Publié par andika

C'est la rentrée pour l'Orchestre Philharmonique de Radio France et son directeur musical, Mikko Franck. Pour lancer cette saison 2023/2024 le vendredi 15 septembre 2023, rien que moins que la création mondiale de Stabat Mater – versets I à IV de Benjamin Attahir, jeune compositeur toulousain répondant à une commande de Radio France. Pour cette oeuvre, il convoque l'orchestre mais aussi les voix de la Maîtrise de Radio France. En parlant de voix, celle d'Asmik Grigorian fait son retour en soliste avec le Philhar' pour la deuxième fois de l'année afin d'interpréter cette fois-ci les Quatre derniers Lieder de Richard Strauss. Et enfin, Mikko Franck revisite la Symphonie n°6 de Tchaikovski, sa préféré du compositeur russe, seulement deux ans après une première lecture mémorable.

Poster du concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France

Le Stabat Mater est un texte qui a inspiré de nombreux compositeurs, on pense spontanément à Poulenc et à Pergolèse. Benjamin Attahir, dans son approche, utilise des outils de son temps, et de la modernité, à savoir le sérialisme, et la fameuse atonalité. Il en résulte une musique dépouillée, rigoureuse dont la pureté est appréciable. Au milieu d'une orchestration sophistiquée exploitée parfaitement par Mikko Franck et le Philhar, les voix angéliques de la Maitrise de Radio France, préparées par Sofi Jeannin, se déploient et sont admirablement mises en valeur, notamment avec de la polyphonie. Cependant, on déplorera le caractère monotone des notes chantées et le manque de mélodie. Mais nous savons que ce n'est pas le genre !

Mikko Franck, Sofi Jeannin et Benjamin Attahir devant l'Orchestre de Radio France à l'issue de la création du Stabat Mater. (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Mikko Franck, Sofi Jeannin et Benjamin Attahir devant l'Orchestre de Radio France à l'issue de la création du Stabat Mater. (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Richard Strauss, au crépuscule de sa vie, après la guerre en 1946, compose ce qu'on appellera par la suite les Quatre derniers Lieder où il rend un dernier hommage à la voix féminine après les légendaires opéras Salomé et Elektra. Et qui de mieux que Asmik Grigorian pour chanter Strauss ? En avril dernier, elle embrasait justement la Philharmonie de Paris en chantant des extraits d'Elektra et Salomé. Mais ici, sur les textes de Herman Hesse et Josef von Eichendorff, on est dans un registre plus sobre, plus fragile, plus émotif. Le premier lied, Le Printemps, montre un orchestre doux et caressant qui sert de véritable écrin à la voix sublime d'Asmik Grigorian. Elle chante de manière sobre mais sa projection et sa puissance impressionnent sur ce texte onirique. Le deuxième  lied, Septembre, amène beaucoup de chaleur, surtout dans le chant d'Asmik Grigorian qui tient les notes avec une agilité captivante, tenant tête à un orchestre ronflant. Le troisième lied, En s'endormant, permet une fois de plus d'admirer la puissance d'Asmik Grigorian. Puissance certes, mais sans jamais forcer. Cependant, dans cette technique infaillible, ce timbre si coloré, on déplore justement le manque de fragilité ou de vulnérabilité, éléments consubstantiels à ce texte. On apprécie également l'admirable solo de violon de Ji-Yoon Park. Le dernier lied, Dans la rougeur du couchant, sur un texte de Josef von Eichendorff fait la part belle à la petite harmonie et plus précisément aux picolos (dont Magali Mosnier joue admirablement bien). Et la voix d'Asmik Grigorian fait trembler l'assistance lorsqu'elle interroge enfin "Ist dies eta der Tod" ? (Est-ce un peu comme ça la mort ?). Un moment suspendu.

Asmik Grigorian (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Asmik Grigorian (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Pour conclure, la Symphonie n°6 de Tchaikovski à la force tragique incomparable. Le compositeur étant mort quelques jours après sa création, on voit en elle une sorte de testament. Dans l'introduction lente du premier mouvement, Mikko Franck obtient son son habituel. Rond, léger, confortable. Cependant, dans ce tempo modéré au son onctueux, le pathos demeure, il vient des couleurs du basson, de la tension dans le phrasé, qui s'accentue encore dans la partie Allegro. Et lors du développement après le second thème, c'est le déluge orchestral. Mikko Franck lâche les forces du Philhar, tout en maintenant un équilibre des plans sonores, malgré des cuivres rutilants.  Le deuxième mouvement est épatant d'élégance, léger et chantant. Cet Allegro con grazia à la mesure à cinq temps est un plaisir pour les oreilles. La tenue des cordes est excellente et on voit un chef enjoué au milieu de ses musiciens. Le son est toujours rond et souriant. La tendance se poursuit dans le troisième mouvement, qui est un scherzo enjoué. Le chef se promène avec un grand sourire à proximité de son pupitre. Mais tout reste en place, la rondeur du son, la tension du phrasé, l'intensité des percussions et la petite harmonie qui s'en donne à coeur joie. Quel contraste avec ce final au pathos inégalé. Ici, la rondeur du son se double d'un vibrato au caractère élégiaque assumé. Le chef, avec sobriété et rigueur dans le phrasé, nous offre une fin pleine de tragédie et de tristesse. Une interprétation comme un résumé de cette soirée, entre fragilité, et joie enfantine.

Voici une saison qui se lance dans les meilleurs auspices, rendant hommage à la musique vocal et revisitant un tube du répertoire symphonique.

Concert disponible à la réécoute pendant un mois sur le site de Radio France

Programme du concert du 15/09/2023 à Radio France
BENJAMIN ATTAHIR
Stabat Mater – versets I à IV (commande de Radio France – création mondiale)

RICHARD STRAUSS
Quatre derniers Lieder

PIOTR ILYITCH TCHAÏKOVSKI
Symphonie no 6 « Pathétique »

ASMIK GRIGORIAN soprano
MAÎTRISE DE RADIO FRANCE*
SOFI JEANNIN
 cheffe de chœur
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
MIKKO FRANCK 
direction

 

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