Retour à Lemberg: Un chant du bien et du mal
Retour à Lemberg est un livre fabuleux que j'ai lu l'année dernière. Voici ce que j'avais écrit à son sujet à l'époque.
Philippe Sands a été invité un jour à donner une conférence à l'université de Lviv et s'est rendu compte que son propre grand père était originaire de la ville. C'est le point de départ. Puis l'auteur fait la découverte que Raphael Lemkin et Hersh Lauterparcht sont aussi originaires de cette vile, à savoir les deux juristes théoriciens respectivement du génocide et du crime contre l'humanité. L'expression le monde est petit n'a jamais été plus appropriée. Les découvertes de l'auteur sur la situation de cette ville et le destin des juifs pendant l'Holocauste sont tout bonnement fascinantes et passionnantes. Une grande émotion saisit le lecteur mais plus encore, une curiosité de tous les instants. Ce livre est aussi un texte de doctrine juridique qui livre une belle réflexion sur ces deux infractions qui sont devenues assez célèbres depuis 1945.
Tout ce la est richement documenté grâce à des sources foisonnantes, qui vont des archives familiales aux textes juridiques les plus rigoureux.
J'ai eu envie de lire ce livre en écoutant une émission sur France Culture et je ne le regrette pas.
Ce spectacle musical du lundi 5 novembre 2018 au théâtre de la Colline reprend la substance du livre. Organisé à l'initiative de France Culture, il donnera lieu à la diffusion d'une émission le 9 décembre 2018 à l'occasion du 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Texte ô combien fondamental, initié entre autres par le fameux René Cassin.
A cette occasion, Philippe Sands, l'auteur du livre, a su très bien s’entourer. Avec comme lectrices et actrices la soprano Natalie Dessay qu'on ne présente plus, l'actrice allemande Katja Reinmann, le baryton Laurent Naouri et enfin le pianiste Guillaume de Chassy.
Ce spectacle est tout aussi inclassable que le livre dont il s'inspire. Retour à Lemberg est une histoire de famille mais aussi une réflexion profonde sur le droit international. C'est également une fabuleuse enquête et enfin, un compte rendu précis du procès de Nuremberg. La pièce elle oscille entre le théâtre, la simple lecture, l'oratorio et souvent, la musique prend le devant et sort de sa fonction simplement illustrative.
Là où le théâtre diffère du livre, c'est dans l'aspect familial de cette histoire. Là où le grand père de l'auteur, Léon, avait droit à tout un chapitre à lui dans le livre, au même titre que Lemkin et Lauterpacht, ici, il est simplement évoqué pour expliquer pourquoi l'auteur s'intéresse à Lemberg. Mais c'est très bien comme ça. Qui a lu le livre enrichira de lui même les informations. Et qui ne l'a pas lu sera tout de même saisi par cette histoire incroyable.
Le spectacle appesantit aussi longuement sur Hans Franck, l'ancin gouverneur nazi de la Polonge occupée. En faisant notamment rejouer les interrogatoires lors de son procès à Nuremberg. Passages jouée par la fabuleuse comédienne allemande, K.Reinmann.
La musique enfin a toute sa place. Notamment la Passion selon Saint Matthieu de Bach qui paradoxalement était écoutée par Lauterpacht et Franck. Alors que l'un était un bourreau nazi, et l'autre un juriste juif dont la famille avait été décimée à Lemberg. Mais comment ne pas être saisi par le fameux air Erbarme dich, mein Gott ( Aie pitié, mon Dieu ) ? Chercher le salut dans ces paroles fait sens. Mais les extraits musicaux choisis retracent la vie de nos protagonistes, comme la sonate pathétique de Beethoven qui relate la première rencontre entre Lauterpacht et son épouse ou encore, cette composition de Richard Strauss qui vient rappeler son amitié avec Franck.
On en apprend encore beaucoup avec ce spectacle, même en ayant déjà lu le livre. On a encore davantage d'émotion avec la musique, et une fois de plus, on est frappé par ce monument qu'est Retour à Lemberg.