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Publié par andika

Madre est un film poignant. C'est aussi un film lent, intrigant, parfois choquant et à la limite de l'ennui. Mais c'est un film qui sait définitivement où il va, tant les séquences clés  font effet. Rodrigo Sorogoyen parvient avec sa mise en scène, à nous faire ressentir toutes les émotions possibles et imaginables.

L'histoire est simple. Elena (exceptionnelle Marta Nieto), jeune mère célibataire, est pleine de vie et d'enthousiasme. On sent la jeune espagnole typique qui vit au rythme de ce pays que l'on fantasme tant de ce côté-ci des Pyrénées. On la trouve dans son appartement, avec sa mère, dans une scène du quotidien, jusqu'à ce que l'imprévu fasse irruption. Son fils l'appelle paniqué, perdu, seul. Et la tension monte. On remarque alors qu'il s'agit d'un plan séquence, tout se joue en temps réel dans la continuité, le sentiment d'urgence s'invite dans la scène. Le père Ramon est introuvable, le danger guette sur cette plage lointaine on ne sait où en France, jusqu'à ce qu'au cut...

Dix ans plus tard, toujours cette plage. La même plage du plan initial. La plage devenue le purgatoire d'Elena en France, là où pense t-elle, son fils a disparu. Et dix ans après c'est un tout autre film. La tristesse et les années ont marqué le visage d'Elena. Tout est triste, morne. Même si c'est l'été et qu'on est à la plage. Le rythme devient plus lent. Comme la lenteur d'une existence de douleur, de tristesse, et de vide par rapport à un passé tragique.

Cette lenteur, bien que parfois un peu lassante, est le véritable atout du film. Car il n'y a pas de résilience rapide. Se réparer prend du temps. Surtout lorsque la cassure est morale. Les chemins sont parfois escarpés, mais ce qui importe, c'est la destination.

Toutefois, Elena prend un drôle de chemin. Il passe par un garçon aperçu sur la plage, qui ne manque pas de lui rappeler son fils disparu. Mais Jean n'est pas son fils et pourtant, une étrange relation va se nouer entre eux. Une relation cathartique d'un côté, et œdipienne de l'autre. Pleine d’ambiguïtés, de non dits, de tabous, d'affection mais aussi d'amour. Un amour indicible, indiscipliné, coupable mais tellement vrai. Une relation fascinante et dérangeante qui va faire vaciller à peu près tous les personnages que compte ce film, et bien entendu le spectateur.

Et une fois de plus, la lenteur, les longues séquences, qui laissent le temps au silence de s'installer, confère une force étonnante à ce film. Le soin apporté à la mise en scène, la composition des plans, et au rythme, marque le spectateur. Et au final, ce film répare aussi un peu la personne qui le regarde. Car la résilience peut également passer par le cinéma.

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