La Fille au bracelet: Le Théâtre judiciaire
La Fille au bracelet est un film qui avait tout pour m'intéresser sachant qu'il se déroule pour une grande partie au sein d'une Cour d'assises. Et si vous me suivez attentivement, vous ne pouvez plus ignorer que le monde judiciaire est un de mes sujets de prédilection, dans la littérature, au cinéma et même dans la vie de tous les jours.
Stéphane Demoustier avec son film ne se contente pas de nous faire une description clinique du procès d'assises. Non, il transforme son spectateur en véritable juré, découvrant les faits en même temps que la Cour et devant se forger au fur et à mesure sa propre opinion. En usant de ce procédé narratif, il enrichit son intrigue là où instinctivement, elle pourrait se limiter à condamnée ou acquittée.
Tout cela commence dans la sérénité de l'été. Une famille est à la plage, le soleil brille, les vagues font un bruit apaisant avec leur va et viens incessant. Plan large, une jeune fille en bikini s'affaire, creuse le sable, on devine un bracelet à sa cheville. Puis les gendarmes débarquent, s'entretiennent un peu avec le père de famille puis interpellent la jeune fille, qui les suit calmement. La caméra zoome sur la suspecte. Le film reprend deux ans après lors du procès. Lise est accusée du meurtre de sa meilleure amie. Le bracelet accroché à sa cheville n'est plus un bijou.
Cette entrée en matière, pleine de cinéma, dans une mise en scène parfaite, permet d'entrer dans le vif du sujet. La mise en scène devient plus sobre pour les séquences de procès, avec souvent des gros plans sur les comédiens. Mais ces comédiens, par leurs expressions faciales, donnent tant.
Tout d'abord Lise, interprétée par une Melissa Guers stoïque, mutique, rigide, froide. Tellement détachée qu'on l'en vient à se questionner sur sa culpabilité. Le jeu de la comédienne est à chaque instant juste, notamment dans la raideur apportée au personnage. Elle n'en est que plus déchirante lorsqu'elle montre enfin des émotions. Le père, qui croit mordicus en l'innocence de sa fille mais qui craint le pire est incarné avec charisme par Roschdy Zem. La mère, est campée par une merveilleuse Chiara Mastroianni qui en peu de scènes donne tellement. L'avocat général est plus vrai que nature grâce à la pugnacité d'Anaïs Demoustier. L'avocate de la défense est avant tout la voix fabuleuse de Annie Mercier. Enfin, toute l'humanité du président est bien montrée par le jeu tout en douceur de Pascal Garbarini.
Un procès, ce sont des étapes obligées. Une pièce de théâtre millimétrée et définie par la loi. Les témoignages, les interrogatoires, le réquisitoire, les plaidoiries, les éventuels incidents et rebondissements. Le film nous les donne mais rien ne semble ni stéréotypé ni téléphoné, bien au contraire. Et le scénario sait user de chacun de ces ingrédients pour en faire un moment dramatique qui aide l'intrigue à avancer. Approche clinique qui ne manque pas d'efficacité. A travers ce procédé, le spectateur est à même de juger à la fin.
La justice est un idéal et une institution. La vérité judiciaire ne s'exerce qu'au sein de la salle d'audience. Elle est parfois insatisfaisante, mais quand le rituel a pu se dérouler dans son entièreté, cette vérité judiciaire est sacrément convaincante. Même s'il s'agit d'une fiction... Cinématographique. Le droit pénal est d'application stricte, il ne faut jamais l'oublier.