Pentagon Papers: La procession de la vérité
The Post, traduit par Pentagon Papers dans la version française, est un film bizarre. Le sujet traité est passionnant mais n'est pas pour autant des plus divertissants. La mise en scène est dynamique, virtuose comme on peut l'attendre chez Spielberg, mais cela n'empêche pas que l'on s'ennuie, qu'on puisse trouver le temps long ou même s'assoupir quelque peu.
Le problème majeur au sujet des films basés sur des faits réels, c'est que, lorsque l'histoire est trop connue, elle ne peut plus étonner. On subit la campagne de presse qui au lieu de critiquer le film ne fait que nous rabâcher les éléments historiques narrés dans le film. Même s'il aurait été préférable de parvenir à fuir tout le bruit autour. Mais à moins d'être aveugle, sourd, de ne pas s'informer, il était trop difficile de ne pas connaître l'importance de cette histoire. Tout cela ruine la majorité des enjeux dramatiques du film.
Pourtant Meryl Streep et Tom Hanks sont excellents. La tension est là, l'histoire est là, les enjeux sont là mais le résultat est connu. Publier ou ne pas publier les papiers qui révèlent les mensonges de l'administration américaine sur la guerre du Vietnam. Une grande partie de l'intrigue est basée sur cette décision qu'on connait déjà. Alors, oui, la scène de la décision est exceptionnelle. Il était inimaginable avant ce film de rendre aussi dynamique une séquence où les personnages se parlent simplement au téléphone. Champ, contrechamp, changement d'angles, d'éclairage et surtout, le visage de Kay Grahm, patronne du Post, jouée par Meryl Streep qu'on ne présente plus. Son émotion, sa voix chevrotante, ses doutes, ses craintes, ses yeux mouillés et enfin son affirmation. Ce moment vaut tous les films, même lorsqu'on sait ce qui arrive, on est bouleversé.
On pense forcément au récent Spotlight devant Pentagon Papers. Le sujet de ce film était également la presse mais avec une histoire moins connue qui réservait par conséquent des choses plus intenses au niveau de la dramaturgie. Mais les Pentagon Papers sont plus matures, la mise en scène est plus ambitieuse. Ce film est loin d'être au premier degré, il est impossible d'accuser ici Spielberg de naïveté. Les subtiles références au féminisme, les petites allusions au drame du Vietnam et à la vacuité des personnes qui y ont mené. Les relations d'amitié entre les personnages, et surtout l'iconisation de Kay dans une séquence à la sortie de la Cour Suprême où elle est filmée en contreplongée en descendant des marches et contemplée par les femmes venues manifester. Et ce film fourmille de plans qui à eux seuls valent le déplacement et le prix du billet.
Le rythme n'est pas toujours haletant, le message peu paraître banal mais il n'est pas inutile de le rappeler dans cette époque trouble. La liberté de la presse n'est pas négociable et est une condition indispensable à l'existence de la démocratie. Beaumarchais l'a dit il y a bien longtemps, sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur.
Blâmons ce film pour ses faiblesses mais ne manquons pas d'en faire l'éloge pour sa virtuosité et sa force.