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Publié par andika

Tár est un objet cinématographique assez fascinant. Todd Field y dresse le portrait d’un personnage complexe, charismatique, antipathique, sociopathe mais aussi, d’une certaine intelligence. Et Cate Blanchett sert le personnage de Lydia Tar avec tout son talent.

L’avatar de ce personnage est celui du chef d’orchestre à succès. Mais ce film n’est pas au sujet de la musique ou de la direction d’orchestre. Comme le dit justement le réalisateur, ce film est au sujet du pouvoir. Du pouvoir que l’on détient. Que les autres nous attribuent. De l’apparence de ce pouvoir et de la position qu’il nous confère.

Et dans la société, de tout temps, le pouvoir a tendance à placer celui qui le détient sur un piédestal. Et le personnage de tar a toutes les apparences pour plaire à l'occident progressiste d'aujourd'hui  . Femme, lesbienne, qui s'illustre dans un domaine habituellement réservé aux hommes. Mais le pouvoir est fragile et dès qu’il vacille, la chute n’est jamais bien loin. En politique, le pouvoir de nos jours vient le plus souvent de l’élection. Mais la source du pouvoir n’est pas unique. Le charisme peut conférer du pouvoir et on a vu des empires se créer par la volonté d’un chef charismatique. La légitimité du pouvoir peut venir aussi du sacré. Mais si les suiveurs n’ont plus la foi, le pouvoir est de nouveau fragilisé. Et ce, quel que soi le sexe, le genre ou la religion du leader !

Tar est un concentré de tous ces ingrédients du pouvoir. L’élection tout d’abord car elle est la directrice musicale de l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Notoirement connu pour désigner son directeur musical par une élection, où tous les membres de l’orchestre participent au scrutin. Et à cette élection, il n’y a pas de candidature. L’heureux élu est désigné et accepte le poste au vu de l’honneur qui lui est fait.

Le charisme également caractérise Tar. Grande femme blonde, ayant confiance en elle, avec un CV long comme le bras qui sait captiver son auditoire. Et cela lui confère une certaine autorité.

Mais quand on porte tous les attributs du pouvoir, l'abus n'est jamais loin. Et on voit le personnage peu à peu basculer dans cet abus. Auprès de ses collègues, de ses subordonnés, de sa famille. Et l'abus prend différentes formes. Parfois, il est positif comme lorsqu'il s'agit de nager à contre courant de la tendance actuelle qui voudrait brûler les idoles. Ainsi, sa défense de la musique de Bach dans une scène mémorable face à un étudiant progressiste fait mouche. Mais si cette prise de position reflétait davantage une opinion que la volonté de dominer son interlocuteur, l'idée de l'abus n'effleurerait pas l'esprit. Car Tar elle-même s'intéresse aux musiques du monde, et s'est adonnée à l'ethno musicologie. Lorsqu'elle compose de la musique, elle singe parfois le style de Charles Ives et son atonalité. Ou comment mêler la tendance moderne et un certain conservatisme, avec une grande subtilité.

Alors, qui est vraiment Lydia ? Une femme authentique, ou simplement le reflet qu'elle se donne ? La récurrence des plans sur Tar où on la voit à travers le reflet d'un miroir ne peut que alerter. On se rend compte alors qu'on n'a qu'une image de ce personnage mais qu'on en a pas la substance. Car Tar est une calculatrice. A chaque fois dans la musique, elle cherche l'intention du compositeur, et elle même n'agit jamais sans une intention claire, et recherche partout son propre intérêt. Sa compagne lui disant même que chacune de ses relations humaines est une transaction, hormis celle avec sa fille. Dans la recherche de ce personnage, on va en profondeur et on découvre cette identité que Tar voulait cacher par dessus tout, mais qui refait surface au gré de sa chute.

Dans ce climat de chute, la mise en scène instaure également un sentiment d'oppression et une ambiance paranoïaque. Dans le footing en forêt où l'on entend des cris venus d'ailleurs. Dans cet appartement aux voisines étonnantes. Ou de façon plus crue, dans un immeuble desaffecté qui respire le danger.

Ce danger qui entoure les personnes de pouvoir. Pour ceux qui les fréquentent mais aussi ceux qui le détiennent. Tout dépend du reflet que l'on se donne. Cate Blanchett livre ici une sublime performance, dans la lignée de Blue Jasmin de Woody Allen, où son personnage vivait déjà le déclassement. Et ce rôle lui avait valu à l'époque l'Oscar de la meilleure actrice...

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