Fragments d'Hommes: La masculinité plurielle
Le théâtre est et a toujours été le miroir de la société. Le reflet de ses questionnements. De ce qui agite le monde à un moment donné. Et il s'avère que le théâtre est un bon moyen de disséquer les âmes. D'explorer les êtres. De dénoncer les maux. D'exprimer des idées. Mais aussi, de décrire la multitude. Et c'est ce que fait le dramaturge Fabien Le Mouël en explorant ses fameux fragments d'hommes, au travers de 26 monologues, mis en scène par François Rimbau. L'auteur, accompagné sur scène par deux autres comédiens, Harold Crouzet et Florian Velasco, explore dans son texte, avec humour, poésie, émotions, tout ce que peut traverser un homme de nos jours, presque de façon exhaustive. Sans tabou, sans filtre. Au contraire, il s'agit de plonger frontalement dans l'âme masculine et cette expérience ne laisse pas indifférent.
Une mise en scène imaginative
A première vue, lorsque la pièce évoque des monologues d'hommes décrivant leurs existences respectives, on ne se dit pas que la mise en scène revêt un enjeu fondamental. Et pourtant, François Rimbau concocte un plateau tout sauf neutre, permettant de suivre le discours des comédiens avec fluidité. Trois comédiens, trois cubes blancs disposés sur la scène, qui s'illuminent au grés des émotions, des scènes, des intonations, des moments. Trois cubes que l'on déplace, que l'on replace. Un tourbillon d'inventivité aidant le dynamisme de certaines séquences, et suivant parfaitement l'action. Enfin, le travail réalisé sur les lumières est aussi un éléments marquant, permettant de ne jamais relâcher l'attention du spectateur.
Vulnérabilité
Qu'il est bon de constater devant cette pièce que les hommes sont des humains comme les autres. Qu'il ont des émotions, comme lorsqu'un des monologues relate une agression sexuelle dont a été victime un des personnages dans le métro. Et contrairement à la légende urbaine, cela existe vraiment. Les hommes ressentent aussi des doutes, notamment qui conduisent à recourir à la psychothérapie dans une des scènes. Des déceptions également. On pourrait même parler d'un climat de crise de confiance tant certains monologues mettent les personnages à rude épreuve. Mais quand on parle d'homme, on ne présente pas qu'un seul prototype qui serait la référence du WASP de l'autre côté de l'Atlantique, ou du fameux mâle blanc cis hétéro dans nos contrées. Ainsi, un des monologues interroge la nature de la virilité. Ce qui est une bonne choses tant il y a différentes façons d'être viril, tant il y a différentes manières d'être un homme. Ainsi, cette pièce rend sa place à chacun qui peut s'identifier en tant qu'homme même en chantant du Dalida en talons hauts. Cette acceptation de la vulnérabilité et son exposition sont oeuvres utiles. Quelle que soit l'orientation sexuelle. Pour parler clairement, un homosexuel est un homme comme les autres et il parfois est essentiel de le rappeler.
Amour
Bien entendu, les hommes ne sont pas étrangers à la quête de l'amour. Et ils traversent aussi leur lot de difficultés. Mais avec cette quête, il y a un corolaire qui est la solitude. Ainsi, le monologue interprété par Florian Velasco (qui faisait ses débuts sur scène) au sujet d'un homme vivant seul et passant sa vie au travail, se nourrissant à la vodka, était très éloquent et touchant, avec notamment l'usage pertinent de l'Adagio de Barber. De même, les mésaventures sur les applications de rencontre d'un personnage joué par Harold Crouzet est mémorable de par sa chute. Enfin, dans un autre monologue, Fabien Le Mouël décrit une relation naissante avec une femme superbe qui coûte 90€ la séance, car il s'agit de sa thérapeute.
Masculinité plurielle
Fragments d'hommes, ce sont des hommes, divers, variés, drôles, tourmentés, désabusés mais surtout authentiques. Tantôt en quête, tantôt des proies (le monologue sur le rendez-vous avec le producteur est éloquent à cet égard). Ces fragments, sortent des préjugés sur les hommes, avec beaucoup d'intelligence, d'humour et de sensibilité. Et il est ainsi passionnant, de voir encore ce sujet traité sur la scène du théâtre, tant il appartient à nos vies à tous. Ainsi, une des dernières réplique, "Réveille toi l'humanité !" prend tout son sens.
Texte de Fabien Le Mouël Mise en scène de François Rimbau Avec Harold Crouzet, Fabien Le Mouël et Florian Velasco |