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Publié par andika

Le vendredi soir demeure le rendez-vous hebdomadaire de l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Covid 19 ou pas. Avec ou sans public. Et cela tombait bien le 15 janvier 2021, dans la mesure où la phalange parisienne retrouvait son vieux complice de la saison 2019/2020, à savoir le baryton allemand Matthias Goerne pour interpréter la Symphonie n°13 "Baby Yar" de Dmitri Chostakovitch. Mais avant cela, le Concerto pour cor et orchestre de Hans Abrahamsen en création française avec pour soliste, Stefan Dohr, cor solo des Berliner Philharmoniker.

Le Concerto pour Cor d’Abrahamsen est issu d’une commande de Stefan Dohr. Le compositeur ayant étudié cet instrument lors de sa formation, il en connaissait tous les secrets. La réalisation de cette partition était alors pour lui une opportunité d’explorer et d’approfondir ses connaissances de du cor. Il en ressort une partition en trois mouvements, de facture assez classique dans la filiation de Mozart et Strauss. Musique empreinte de romantisme, avec les images de la forêt, le cor enchanté qui chante, permet effectivement d’explorer de nombreux registres insoupçonnés de l’instrument que maitrise à la perfection Stefan Dohr. Une musique douce, apaisante qui met en lumière un instrument indispensable de l’orchestre mais qui n’a pas souvent de tels honneurs.

La Symphonie n°13 de Chostakovitch s’apparente davantage au genre de la cantate. Composée en 1962, elle s’inspire du poème Baby Yar d’Evgueni Evtouchenko, qui revenait sur le massacre de 30000 juifs par les nazis en Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale. L’effectif comprend un orchestre symphonique, un choeur d’hommes et un baryton solo. Les forces en présence ne sont pas négligeables avec le Philhar' sous la baguette de son directeur musical, Mikko Franck, le Choeur de Radio France préparé par Martina Batic, le Choeur de l’armée française préparé par Aurore Tillac et enfin, Matthias Goerne en baryton solo.

Sujet délicat que Baby Yar (Le Ravin des femmes, nom de l’endroit du charnier) dans l’URSS de la seconde moitié du XXème siècle, terre où il a régné un fort antisémitisme. Sujet tellement sensible que Mravinski, créateur de six symphonies de Chostakovitch s’est fait porter pâle et a été remplacé par Kondrachine. Sujet tellement sensible que les autorités avaient invité Chostakovitch à revoir le texte de la première des cinq parties, la plus explicite quant à l’objet de la symphonie dans la dénonciation de l’antisémitisme. De vers mentionnant Anne Franck et Dreyfus par exemple. Et pourtant, cette oeuvre est importante. Elle témoigne d’une part le courage de son auteur qui n’a pas hésité à s’élever pour rendre homages à ces victimes juives, en érigeant en musique le monument qui n’existe pas sur le lieu du massacre. Mais d’autre part, cette oeuvre permet encore de se souvenir aujourd’hui, car l’antisémitisme est loin d’avoir disparu dans le monde. En France notamment où des enfants ont été tués devant une école juives. Ou des personnes de confession juives ont été tuées à l’hyper casher. Et plus récemment, aux Etats-Unis où l’on a vu certaines personnes arborer fièrement des vêtements aux slogans ouvertement nazi.

La Symphonie n°13, c’est cinq poèmes mis en musique. Baby Yar, l’Humour, Au magasin, Les Terreurs, La Carrière.

Le premier mouvement Baby Yar s’ouvre sur une musique funèbre ponctuée de sons de cloches, avec de courtes interventions du choeur alternant avec des prises de parole plus longues du soliste. Malgré la distance entre les chanteurs du choeur, les musiciens sur scène, le son est dense, puissant. Les attaques sont tranchantes et le chant de Matthias Goerne est limpide, dans la diction, les intentions et surtout, l’implication. L’Humour est une musique assez caustique à la Prokofiev et les paroles dénoncent le manque d’humour des tyrans Mikko Franck trouve des couleurs grinçantes et montre une personnalité différente de ses habitudes. Au magasin est une louange aux femmes russes, on notera le début du mouvement sublime aux cordes graves avec un Philhar des grands soirs à faire vibrer les morts. Les Terreurs commence par un solo caverneux de tuba, des chocs sourds, des montées de cuivres, des tuttis formidables où l’orchestre s’illustre et le chef montre toute sa maîtrise. Enfin, la Carrière rend hommage à ceux qui ont eu raison contre la majorité, tel Galilée. Dissidence résonnant avec la situation des soviétiques qui dénonçaient les failles du régime. Le soliste et le choeur échangent des phrases courtes et nettes après une longue introduction orchestrale rappelant l’ambiance de l’Humour. La fin revient aux notes méditatives du célesta dans un ton de solennité méditative. Qui prolonge la reflexion du texte sur son sujet.

Une très belle oeuvre pour un très beau concert.

Programme
HANS ABRAHAMSEN
Concerto pour cor (création française)

DIMITRI CHOSTAKOVITCH
Symphonie n°13 "Babi Yar"

STEFAN DOHR cor
MATTHIAS GOERNE baryton
CHŒUR DE RADIO FRANCE
MARTINA BATIČ chef de chœur
CHŒUR DE  L'ARMÉE FRANÇAISE 
AURORE TILLAC 
chef de chœur
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
MIKKO FRANCK direction

 

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