Roma: Allégorie de l'abandon
Roma est un beau film, assurément. Le soin apporté au cadre, à la photographie, ce noir et blanc lunaire, ces travelling circulaires délicieux. Il n'y a pas à dire, Alfonso Cuaron sait filmer. Toutefois, ce film souffre de nombreuses choses.
Premièrement, le plus important, il aurait gagné à être vu sur grand écran. Je veux bien croire qu'aucun producteur traditionnel n'ait été intéressé par ce scénario mais tout de même, puisque le film s'est fait, il devrait être possible de le voir dans un cinéma. Car à la maison, sur Netflix, on ne peut pas s'immerger. On ne peut pas être subjugué par ces plans inouïs. On ne peut pas être fasciné par ce qu'on perçoit. Mais le contexte d'un visionnage à la maison, pas forcément bien concentré, surtout avec un film aussi lent, n'est pas propice à l'adhésion.
Mais paradoxalement, l'abandon de la salle de cinéma fait écho au scénario qui décrit comment des hommes abandonnent des femmes. Quelle que soit la classe sociale, quelle que soit la profession. Ce sujet est traité avec une grande poésie et une grande sensibilité. Le personnage de Cléo pourra alors nous toucher au plus profond tant Yalitza Aparicio y amène de nuance. Alors, même si le film énonce que les femmes sont toujours seules, il montre aussi que c'est plus compliqué que cela. Il montre que dans le malheur, il y a des opportunités pour se réinventer, que perdre ce qu'on pensait ne pas désirer peut faire mal. Il montre aussi que l'amour est précieux, quel qu'en soit la source. Quel dommage que cela ne se passe pas sur grand écran !