La fougue de Klaus Mäkelä à la tête de l’Orchestre de Paris dans la 5ème de Chostakovitch
L’été approche, les températures grimpent et la saison musicale touche à sa fin. C’est donc le moment propice pour toutes les audaces. C’est dans ce contexte que l’Orchestre de Paris a invité à sa tête le (très) jeune chef finlandais Klaus Mäkelä le jeudi 13 juin 2019 à la Philharmonie de Paris. On ne s’attend pas à croiser un chef de 23 printemps mais pourtant, cela crée un intérêt particulier, et osons le dire, une certaine excitation. Tout cela renforcé par la forte impression laissée lors de la première soirée où a été donné le programme, la veille. Car oui, le programme aussi avait tout pour égayer les oreilles du mélomane, avec tout d’abord Short Ride in a Fast Machine de John Adams, puis le Concerto pour piano en la mineur d’Edvard Grieg et enfin, la merveilleuse Symphonie n°5 en ré mineur de Dmitri Chostakovitch.
D’abord Short Ride in a Fast Machine est une composition de 1986. Véritable fanfare, elle emploie toutes les forces de l’orchestre et le fait briller dans un style bien américain. L’emploi du minimalisme rappelle un peu Harmonielehre composé une année auparavant. Cette œuvre offre un rythme lancinant aux percussions. Cet ostinato obsède mais laisse la place aux cuivres brillants et très en forme de l’orchestre de Paris. La créativité rythmique est très plaisante et la gestion de la masse orchestrale par le chef est très impressionnante. Dans sa façon en particulier de faire monter la tension et de maintenir les climax une fois arrivé tout en haut.
Le temps de quitter le XXème siècle pour un petit retour en arrière avec le Concerto pour piano en la mineur de Grieg. Composé en 1868 mais révisé jusqu’en 1907, il s’agit d’une œuvre majeur du répertoire concertant. Le pianiste invité pour l’occasion est l’espagnol Javier Perianes. L’orchestre et le chef conservent leurs qualités présentées dans l’œuvre de John Adams, à savoir un son massif, un sens de la progression dramatique. Mais cela cadre mal avec la fraîcheur des couleurs nordiques décrites par Grieg, surtout dans les deux premiers mouvements. L’ambiance y est triste et sombre. Bien que l’interprétation soit techniquement impeccable, cet étalonnage de couleurs détonne. Le soliste quant à lui présente des qualités indéniables de chant, avec un usage léger de la pédale, même si son jeu peut s’avérer parfois un peu mécanique. Toutefois, il fait face sans difficulté à l’orchestre. Et sa cadence dans le premier mouvement, Allegro molto moderato est en tout point remarquable. On goûte également à toute sa sensibilité dans l’Adagio, qui est empreint d’émotion, notamment grâce au sublime vibrato des cordes. Les couleurs arrivent enfin dans le final, notamment avec une sublime petite harmonie. Une rafraichissante agitation s’empare de chaque pupitre et la retenue qu’on pouvait entendre auparavant appartient au passé. La pulsation imprimée par le chef enfin, est véritablement irrésistible tant on la ressent avec acuité.
Après l’entracte, place maintenant au gros morceau et retour au XXème siècle. La 5ème Symphonie de Chostakovitch est l’une de ses œuvres la plus populaire. Composée en 1937 suite au scandale de son opéra Lady MacBeth, il s’agit de l’œuvre de la réhabilitation. Après avoir rangé sa 4ème Symphonie trop novatrice au tiroir, il s’assigne comme première mission de plaire au pouvoir soviétique. De forme classique, en quatre mouvements, la 5ème est d’une grande force émotionnelle, et finit sur une note glorieuse, totalement en phase avec le réalisme socialiste cher à Jdanov. Toutefois, en lisant entre les lignes, les choses ne sont pas forcément si claires que cela, le compositeur parlant lui-même d’allégresse forcée. Tous ces éléments de contexte semblent être dans l’esprit de Klaus Mäkelä lorsqu’il s’attaque à ce mastodonte. Dès les premiers instants du I noté Moderato, on ressent un grand sens des équilibres de la part du chef, un phrasé délicat, une bonne respiration dans le rythme et enfin, une ambiance sinistre comme le réclame cette musique. Le pupitre de cordes est d’une grande expressivité et la petite harmonie de l’Orchestre de Paris est, comme d’habitude, exquise. L’architecture de l’ensemble est bien rendue et le niveau de détail entendu est impressionnant, notamment dans la précision des enchaînements. Mais cette précision n’empêche en aucun cas la démesure, comme par exemple lorsque les cuivres toussent de façon très sèche. Le scherzo qui suit est d’une vigueur époustouflante. Le chef, violoncelliste de formation, prend beaucoup de soin avec ce pupitre placé juste à sa droite. Les attaques sont toujours lancées à point nommé, les percussions sont généreuses. Enfin les solistes brillent, notamment Philippe Aïche au violon, Vicens Prats à la flûte, Giorgio Mandolesi au basson, sans oublier Amrei Liebold au contrebasson qui double parfaitement son collègue. Enfin, moment de grâce que ce passage en pizzicati, où le temps est suspendu dans cet Allegretto plaisantin. Mais il n’est plus du tout question de plaisanterie dans le Largo en III. Beaucoup de pathos et de force émotionnelle dans ce passage joué par les fonds de pupitres des cordes. Un crescendo exemplaire construit patiemment par le chef où l’on prend le temps de ressentir chaque vibration, et faire monter l’émotion. Des nuances pianissimos inouïes où l’on exploite à fond le potentiel de cette merveilleuse grande salle à l’acoustique tellement grandiose. Une réussite totale et pas le temps d’applaudir vu que l’Allegro final est lancé attacca ! La jeunesse du chef a du bon. Il n’a pas peur de déchaîner l’orchestre. Le son est d’une violence rare et les décibels montent, montent… Une tension de tous les instants règne et pourtant, tout cela est maîtrisé. Les interventions des cuivres ne débordent pas, les tuttis restent d’une clarté exemplaire. Enfin, le tempo choisi est excellent et permet de ne pas tomber dans la farce avec cette note la répétée à de très nombreuses reprises. Et pourtant, on sent que cette allégresse est feinte tant justement, le chef en met. Toutefois, des années après la chute de l’URSS, on peut écouter cette musique sereinement, pour le plaisir. Impossible de s’assoupir un seul instant tant cette symphonie est extraordinaire, et a été honnorée de la plus belle manière.
« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années » Klaus Mäkelä a prouvé à quel point Corneille avait vu juste. De merveilleux débuts dans la capitale française pour ce chef à suivre. Définitivement !
John Adams, Edward Grieg, Dimitri Chostakovich, leur musique me fait encore vibrer, un excellent concert a l'orchestre de Paris. #philharmonie #concerto #orchestre #musique / John Adams, Edward Grieg, Dimitri… https://t.co/K0qUx2st4V
— Christina Okello (@vivalid) 13 juin 2019
Le John Adams est génial avec cet usage des cuivres bien américain. Sinon le concerto pour piano de Grieg, j’ai eu un gros problème. C’est que je l’ai entendu trop récemment avec Bergen. Du coup, je pouvais pas apprécier ce soir en terme de couleurs. Mais c’est quand même top ! pic.twitter.com/0oKlz7CeNe
— Andika 🇫🇷⭐️⭐️ (@Nyantho) 13 juin 2019
@klausmakela : preuve qu'on peut avoir 23 ans et diriger l'@OrchestreParis pour la 5e de Chostakovitch. Je me sens vieux. A l'année prochaine @philharmonie ! pic.twitter.com/utbRxIBsBX
— Ben_Kheops (@Ben_Kheops) 13 juin 2019
Thank you for this very special week in Paris with the most inspiring @OrchestreParis @perianespiano @philharmonie ! It was a great pleasure and an honor for me! Thanks also for all the nice comments here on @Twitter 😊 Photos by @OssiTanner @EdFoureCaulFuty & me pic.twitter.com/5iSlvNBJrc
— Klaus Mäkelä (@klausmakela) 15 juin 2019
When something happens ! Eternity of musical spirits and feelings of another dimension ! Thank you dear @klausmakela ! @OrchestreParis @philharmonie pic.twitter.com/iUIIjEU1mR
— Edouard Fouré Caul-Futy (@EdFoureCaulFuty) 14 juin 2019
Fantastique @klausmakela à @philharmonie ce soir, en particulier dans une 5ème symphonie de #shostakovich survoltée ! @OrchestreParis en grande forme, sous le charme d’un chef énergique et précis dont on attend déjà le retour à Paris. Tervetuloa Pariisiin! pic.twitter.com/zmUmBIIJgS
— Hervé Le Guennec (@HLeGuennec) 13 juin 2019
J’ai vu @Tris_Lab applaudir entre les mouvements 😆
— Andika 🇫🇷⭐️⭐️ (@Nyantho) 13 juin 2019
Maintenant, le prochain qui critique cette pratique, je lui répondrai que même un super spécialiste de la musique le fait. Ça devrait les calmer !
.@OrchestreParis au top ce soir à tous les pupitres (flûte, cor, basson 🎖🎖🎖) sous la baguette de @klausmakela @philharmonie. Maestro bluffant. Son geste fait tout, attaques, formes de notes, phrasé, équilibres, progressions dynamiques, écoute, inspiration. À revoir d’urgence !
— Tristan Labouret (@Tris_Lab) 13 juin 2019
Très belle première partie de concert sous l’élégante directtion de @klausmakela avec @perianespiano et @OrchestreParis en forme. J’enlève mon pull pour #Chosta5: ça va chauffer! pic.twitter.com/d6uT0nK7Xd
— Sophie Cabanes (@sophiecabanes) 13 juin 2019
Il a 23 ans il est finlandais il s’appelle @klausmakela il est chef d’orchestre et un extraordinaire musicien ! Et ce soir il a séduit l’@OrchestreParis Retenez son nom 😉😉 pic.twitter.com/ZCbOJW8kJl
— Gilles Lesur (@GLesur) 13 juin 2019
Une 5ème Symphonie de Chostakovitch juste inouïe avec @klausmakela à la tête de @OrchestreParis ce soir ! La jeunesse et la fougue ont du bon dans cette œuvre. Le I parfait d’équilibre, un II espiègle, un III plein de pathos et un IV juste démesuré ! Excès de joie donc ironie ! pic.twitter.com/Vc8CTddQTk
— Andika 🇫🇷⭐️⭐️ (@Nyantho) 13 juin 2019
L'énergie enthousiasmante d'une page célèbre de John Adams, le lyrisme très pur, la virtuosité lisztienne du Concerto de Grieg et l'impressionnante Symphonie no 5 de Chostakovitch sont à l'af...
https://philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert-symphonique/19096-orchestre-de-paris